Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continua à exercer ses ravages dans les troupeaux voisins livrés aux soins de gens peu instruits.

Cette manière d’arrêter les effets de la maladie du sang n’a été employée d’abord que par un seul fermier. Les autres l’emploient maintenant & s’en applaudissent.

En 1781, un troupeau étant attaqué de la maladie du sang, on fit bouillir plusieurs poignées d’oseille de jardin dans vingt-cinq pintes d’eau ; on y fit dissoudre une livre de sel de nitre & une livre & demie de sel marin. On en fit avaler à chaque bête à laine un petit gobelet tous les matins à jeun, & on en mit dans l’eau qui servoit de boisson ; on vit bientôt la mortalité s’apaiser. Il seroit utile, avant l’usage de ces remèdes, de saigner les bêtes les plus vigoureuses.

Quelques fermiers, à cette époque, conduisent une fois seulement leurs troupeaux à la petite rivière de Juine, dont ils ne sont qu’à quelques lieues. Là, ils font passer chaque bête dans l’eau, l’une après l’autre, au-dessous de la vane d’un moulin. Cette espèce de douche ne leur est pas salutaire, puisque la mortalité continue après. En effet, on ne doit attendre aucun avantage des bains de rivière, que je ne conseille, dans ce cas, pour les troupeaux qui font dans le voisinage, que lorsqu’ils sont répétés plusieurs fois par jour & pendant quelque temps[1].

De tout ce que j’ai exposé jusqu’ici, sur la maladie du sang, il résulte, 1°. qu’elle a des symptômes qui la caractérisent, & qu’elle ne peut être confondue avec aucune autre, ni par rapport à la manière dont elle attaque les bêtes à laine, ni par rapport à ses effets ; 2°. qu’elle cause des pertes considérables aux fermiers, dans les troupeaux desquels elle se déclare ; 3°. qu’elle dépend des causes éloignées & prochaines, dont les premières sont la constitution des animaux, leur régime, & l’état de leurs bergeries ; & les dernières, la chaleur du soleil, l’aridité de la terre, & les grains nouveaux ; 4°. que la connoissance de ces causes en indique les moyens préservatifs, presque toujours les seuls qu’ils convient d’employer ; 5°. que ces moyens sont la plupart simples, d’une exécution facile, & exigent, ou seulement quelques soins, ou très-peu de dépenses ; 6°. enfin, que l’expérience a prouvé qu’on

  1. L’observation suivante vient à l’appui de celle de M. l’Abbé Tessier. Le 18 juin 1784, la maladie, du sang faisoit les plus grands ravages dans la paroisse du Puech, au diocèse de Lodève. Requis par les Consuls du lieu, je m’y rendis le 20 du même mois. Sur un troupeau composé de cent douze moutons gras & de belle taille, j’en trouvai quarante morts de la maladie. J’appris que le pain béni que les paysans ont coutume de donner pour remède, n’avoit produit aucun effet. J’ordonnai la saignée aux veines des yeux, au bout des oreilles, à la queue, &c. suivie des bains dans la rivière de Lergue, distante d’un quart de lieue de l’endroit. Le reste du troupeau fut entièrement conservé-, depuis ce temps les paysans sont dans l’usage de conduire tous les ans, à la même époque, leurs troupeaux plusieurs fois à cette rivière, pour les faire baigner, & ils ont la satisfaction de voir leurs moutons à l’abri de cette maladie enzootique. (Note de M. Thorel.)