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pouvoit prévenir, au moins en grande partie, la maladie du sang dans la Beauce, & vraisemblablement dans d’autres pays ; car je ne doute pas que les conseils que je donne ici, ne soient applicables à beaucoup d’endroits très-éloignés les uns des autres. M. T.


SANG-SUE. Hirudo nigricans. Lin. Ver trop connu pour le décrire. On le trouve communément dans les eaux douces, dans les lieux où le cours de l’eau est à peine sensible.

La sang-sue s’attache à une portion des tégumens, y cause une douleur punitive plus ou moins vive, suce le sang, s’en remplit jusqu’au point d’acquérir un volume considérable ; ordinairement elle en dévore une once. Si un instant après qu’elle a commencé à sucer le sang, on lui coupe la queue, elle en rend, quelquefois un peu plus d’une once, mais souvent elle en donne moins, parce qu’alors elle se détache plutôt. Aussitôt qu’elle a quitté prise, il s’échappe de la blessure qu’elle a faite, une petite quantité de sang ordinairement pendant l’espace d’une heure. Ce ver produit fréquemment de bons effets dans les espèces de maladies où il faut tirer du sang des hémorroïdes, ou rappeler le flux hémorroïdal supprimé ; dans les espèces de maladies où le malade a une horreur invincible pour la saignée ; où il faut produire une lente évacuation du sang, pour ménager les forces vitales & musculaires : dans les espèces de maladies où il est essentiel de produire une dérivation du sans. La douleur occasionnée par la succion de ce ver, fait toujours déterminer une plus grande quantité de sang vers la partie sucée, & par conséquent le ver établit une dérivation ; aussi est-il démontré par l’observation, que pour l’ordinaire la sang-sue est nuisible lorsqu’elle agit immédiatement sur une partie enflammée. Elle est spécialement recommandée sur les hémorroïdes ou aux bords de l’anus, pour combattre l’affection hypocondriaque, le vertige, la manie, la sciatique, la difficulté d’uriner ; sur les tempes pour dissiper les violens maux de tête, l’ophtalmie, les violentes douleurs de dents ;… sur les parties affectées de la goutte, pour calmer les douleurs ;… sur la caroncule lacrymale, pour diminuer l’inflammation de l’œil ;… sur les bords de l’anus, pour accélérer le retour du flux menstruel, & en accroître la quantité ;… pour détruire les ulcères anciens & rebelles, entretenus par la suppression du flux menstruel… En général, elles sont nuisibles dans les maladies convulsives, à moins que ces maladies ne viennent de la suppression des hémorroïdes ou du flux menstruel, ou d’une hémorragie, soit par le nez, soit par le fondement, soit par la bouche.

On prend les sang-sues dans les eaux douces & pures, on les renferme dans un grand vaisseau de verre, rempli d’eau pure, & qu’on bouche avec un linge clair ; cette eau doit être changée tous les trois jours pendant l’été, & toutes les semaines pendant l’hiver. Ce vaisseau doit être tenu dans un endroit où la chaleur soit modérée… Avant d’appliquer les sang-sues, on les plaie dans un vaisseau vide, où elles restent