Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/102

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Récolté pendant un beau temps, et peu après la formation du fruit, avant que les cosses ou siliques aient contracté la couleur rembrunie qui annonce l’entière maturité de la plante, sa tige et ses graines forment un aliment précieux pour hiverner les bêtes à laine, sur-tout si on a mêlé à la semence une certaine quantité de pois gris, de lentillons, d’orge ou d’avoine, selon la qualité du terrain. Cet excellent fourrage est connu des cultivateurs sous les noms de mêlarde, dragée, etc. Les brebis qui allaitent ont besoin de nourritures à la fois substantielles et tendres ; et la vesce est de ce nombre. Les jeunes agneaux, qui auroient bientôt épuisé leurs mères, s’ils étoient réduits au seul pis, contractent de bonne heure, par elle, l’habitude de manger. Le tempérament débile de ces animaux s’accommode d’autant mieux de la vesce, que sa qualité tonique, qui la rend dangereuse pour les cochons, en fait un aliment salutaire pour les bêtes à laine. Ce n’est pas toutefois que nous donnions au cultivateur le conseil de ne distribuer que de la vesce à son troupeau pendant les jours pluvieux de l’hiver : nous sommes loin de ces affections exclusives. Nous lui disons au contraire : fondez votre entreprise rurale sur les débouchés commerciaux du pays que vous habitez ; étudiez votre climat ; observez la position de vos champs ; sondez votre terrain ; appliquez-vous à connoître sa nature ; puis cultivez toutes les plantes qui pourront y prospérer et répondre à vos vues. Plus vous les varierez, moins vous aurez à craindre les effets de l’intempérie des saisons. D’ailleurs le mélange dans la nourriture convient aux animaux comme aux hommes. Entremêlons donc les ressources de nos bestiaux. Pour les bêtes à laine, par exemple, à un repas de vesce, faisons succéder un repas de pommes de terre, ou de navets, ou de choux, ou de carottes ; à celui-ci, un raffour de trèfle, sainfoin ou de luzerne ; après ce dernier, distribuons le repas de paille, de froment, ou d’avoine sur-tout ; ainsi de suite. Voilà le vrai moyen de bien nourrir un troupeau ; et si on joint à cette attention le soin non moins important de le tenir avec propreté dans des bergeries spacieuses et bien aérées, on peut compter sur sa prospérité.

La vesce concourt à maintenir en bon état les chevaux et les bœufs, même pendant la durée des plus grands travaux. Quand on la destine à suppléer l’orge ou l’avoine, il faut la distribuer non battue ou légèrement battue ; car c’est la partie farineuse de la graine qui donne le courage et la vigueur, c’est-à-dire, qui nourrit bien. Lorsque la vesce ne doit être employée que comme fourrage simple, pour tenir lieu de foin ou de paille, il convient de n’en présenter aux bestiaux que les tiges et les fanes. On met en réserve la graine qui résulte du battage, pour servir de semence, ou bien pour nourrir les pigeons. Comme on ne sauroit trop prémunir les habitans de la