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bre, époque où elles sont passées sur la plupart des plantes de notre climat, et où les abeilles ne trouvent presque plus de nourriture. Le mélilot donne des fleurs en telle abondance, que les tiges, dont le plus grand nombre s’élevoit à cinq ou six pieds, en étoient couvertes dans presque toute leur longueur ; et les abeilles paroissoient tellement friandes du miel qu’elles y récoltoient, qu’elles ne les quittèrent qu’à l’instant de la formation des siliques. C’étoit un spectacle assez curieux que l’empressement qu’elles mettoient à se remplacer les unes les autres, à mesure qu’elles se chargeoient de butin. La provision fut beaucoup plus abondante pendant l’hiver qui suivit cette récolte, qu’elle ne l’avoit été dans les années précédentes. Le mélilot peut donc nous faire jouir du double avantage de récolter beaucoup de miel, et de nous procurer d’excellentes prairies artificielles, soit qu’on le cultive seul ou mêlé avec la vesce de Sibérie.

Cependant, les essais en grand, pouvant seuls constater les produits qu’il est permis d’espérer de la culture des nouvelles plantes, et ces essais devant être dirigés par des cultivateurs sages et aisés, c’est eux que nous invitons à tenter, sur-tout dans les parties de l’ouest et du nord de la France, la culture en grand du mélilot et de la vesce de Sibérie. En attendant, gardons-nous de négliger celle de la vesce commune : elle est d’un trop grand secours pour alterner les terres, et pour la suppression des jachères.

Semée au printemps, dans une terre meuble et fraîche, et qui n’a pas rapporté, l’année précédente, des plantes de la même famille, elle donne d’abondantes récoltes, sut-tout si le temps est alternativement mêlé de chaleur et de pluie ; car l’humidité est indispensable pour la prospérité de toutes les légumineuses. Il est d’autant plus essentiel de semer de bonne heure, au printemps, que si la jeune plante est surprise par la sécheresse, au moment où elle ne montre encore que ses cotylédons, et avant la formation des feuilles rameuses, elle jaunit et périt en très-peu de temps ; il ne faut même alors que quelques heures pour qu’elle devienne la proie du tiquet ou puceron, qui ronge et ses jeunes feuilles et tout l’œil de sa tige. Ce mal est sans remède, car on n’en connoît point d’autres que de recommencer la besogne entière ; c’est-à-dire, de labourer, ou du moins, de herser avec la herse de fer, et semer de nouveau. Plus la saison est avancée, moins on est assuré de la réussite de ce surcroît de travail.

On n’a pas ce dernier inconvénient à redouter quand on sème la vesce en automne : mais, pour son succès, il faut que la terre ait du fonds, qu’elle ne soit pas trop argileuse, ou du moins, que la surface du champ soit inclinée de manière à faciliter l’écoulement des eaux surabondantes. Un nombre suffisant de fossés bien dirigés peut suppléer au défaut de pente. Il est rare que le froid ait assez d’intensité en France, pour que la vesce