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NOTICE
Sur la Vie et les Écrits de l’Abbé Rozier.


La vie des bienfaiteurs du genre humain appartient toute entière à la postérité. C’est sans doute cette considération qui fît pendant long-tems honorer la mémoire des gens de lettres par des éloges publics qui servoient tout-à-la fois à exciter la passion de la gloire, et à entretenir le goût de la véritable éloquence. Si Rozier eût terminé sa carrière dans ces tems paisibles, les diverses académies se seroient disputé la prééminence de son éloge ; mais il est mort à l’époque la plus désastreuse de la révolution, et le coup funeste qui nous l’a ravi est encore, au bout de six ans, ignoré de presque toute l’Europe. Sera-t-il permis à un homme qui ne vécut point dans sa familiarité, qui ne le connut même pas, de tracer le tableau de sa vie domestique et de sa vie littéraire ? Mais Rozier ne doit-il pas être regardé comme vivant pour moi ? ne suis-je pas le confident intime de ses pensées ? Possesseur d’une grande partie des lettres qu’il a écrites, j’y retrouve son ame à nud, suivant l’expression de Montaigne : c’est-là que j’ai appris à le connoître, à l’aimer, à respecter dans lui le bon parent, le bon ami, le bon citoyen, en même-tems que ses ouvrages me l’ont fait regarder comme un des savans qui ont le mieux mérité de leur patrie. J’entreprendrai donc de peindre et son génie et ses vertus ; mais sans m’écarter de la simplicité qui distinguoit éminemment son caractère : il n’y a que les hommes médiocres qui aient besoin de la pompe des paroles pour rehausser leur mérite et surprendre l’opinion.