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voques de maintenir l’homme en santé et de prolonger pendant plusieurs années la durée de sa force, et de sa vigueur. 4°. On obtient du vin, par la distillation, son esprit ardent, et cet esprit plus ou moins rectifié par l’application des moyens chimiques, reçoit les noms d’eau-de-vie, d’esprit de vin, ou alkool. On sait combien ils sont fréquemment employés dans les arts et dans les usages de la vie. 5°. Il est un cinquième produit de la vigne, peut-être plus important encore que les autres, parce que la nécessité d’en user le rapproche davantage de nos premiers besoins : c’est le vinaigre. Il est l’effet de la seconde fermentation que subit le moût du raisin, et qu’on appelle fermentation acéteuse.

Sous tous ses rapports, la vigne est donc une plante bien précieuse, et le sol et le climat qui la produisent douée de toutes les qualités dont elle est susceptible, a donc reçu de la nature une bien grande faveur. On l’a déjà dit, la part que la France a reçue dans cette distribution ne peut être comparée à celle d’aucune autre partie de la terre.

Nous n’avons point à discuter ici sur l’époque à laquelle remonte la connoissance de la vigne cultivée et l’usage du vin. Les auteurs les plus accrédités, confondant sans cesse les traits de l’histoire avec ceux de la fable, ne nous ont transmis sur cette matière que des notions tellement vagues et incertaines, qu’elles nous paroissent au moins inutiles à recueillir dans un ouvrage purement consacré à l’économie rurale[1]. Mais ce qu’il importe bien essentiellement de

  1. Les uns veulent qu’Osiris, surnommé Dionysus parce qu’il étoit fils de Jupiter et qu’il avoit été élevé à Nysa, dans l’Arabie heureuse, ait trouvé la vigne dans le territoire de cette ville, et qu’il l’ait cultivée : c’est le bacchus des Grecs. Voyez Plutarque, vie de Camille.

    D’autres, attribuant cette découverte à Noé, pensent que ce patriarche est le type de l’histoire du Bacchus des Grecs, et peut-être même du Janus des Latins ; car le nom de ce dernier dérive d’un mot oriental qui signifie vin. Au reste il n’est pas douteux que nos végétaux cultivés et nos animaux domestiques ont été trouvés quoique part dans l’état de nature ; et toutes les vraisemblances portent à croire que la culture de la vigne et la fabrication des vins remontent à la haute antiquité. Les arts les plus simples doivent être présumés les plus anciens ; et la simplicité de celui ci a dû faire concourir de très-bonne heure le hasard et la nature à l’enseigner aux hommes.

    Les hommes dans un climat chaud, auront exprimé le jus du raisin pour le convertir en une boisson rafraîchissante. Ce moût, dans quelque circonstance, aura été oublié pendant un jour ou deux seulement, la fermentation s’y sera nécessairement établie ; de là, ce que nous appelons du vin-doux. Que la curiosité ou peut-être même encore, que le hasard ait abandonné, pendant quelques jours de plus, cette nouvelle liqueur à tout l’effet de la fermentation tumultueuse ; de là, le vin-proprement dit. Que celui-ci soit resté, pendant un mois ou deux, exposé au contact immédiat de l’air à une température de 18, 20, 25 degrés de chaleur, il n’aura fallu le concours d’aucune autre circonstance pour lui faire éprouver la fermentation acéteuse et, par conséquent, le changer en vinaigre.