Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles qui appartiennent à la vigne. L’agriculture, comme toutes les sciences, a ses principes généraux sans doute ; mais ils se modifient à l’infini dans leur application ; aussi l’écrivain qui se borneroit, même à ne traiter qu’une de ses branches, l’art du vigneron, par exemple, et qui promettroit de tout enseigner dans son livre, donneroit-il une grande preuve d’inexpérience ou de mauvaise-foi ; et le lecteur qui se promettroit d’y tout apprendre, annonceroit bien peu de sagacité. La connoissance des lois de la végétation et une pratique raisonnée : voilà les grands maîtres. Nous tâcherons de développer les premières et d’indiquer ce qu’il importe le plus d’observer pour bien voir, et par conséquent pour arriver à l’autre.

Le propriétaire qui travaille sa vigne de ses propres mains et l’ouvrier-vigneron proprement dit ne liront point cet article. Entièrement étrangers à l’étude de la physique végétale, n’ayant aucune idée ni des avantages qu’obtient ni des jouissances qu’éprouve celui qui médite et qui raisonne ses procédés, ils ne feront encore que ce qu’ils ont vu faire et que ce qu’ils font eux-mêmes depuis long-tems. De-là ces pratiques constamment vicieuses dans le choix du terrein et des cépages, dans la plantation, dans la taille, dans le palissage et l’ébourgeonnement ; de-là cette foule d’onglets, de chicots, de bois mort, de fausses-coupes non-cicatrisées et de chancres qui énervent, qui minent incessamment les plants, et qui amènent sur eux la vieillesse, la caducité et la mort à des époques qui devroient être celles de leur santé, de leur vigueur et de toute leur force productive ; de-là enfin la perte de cette antique renommée dont jouissoient, à juste titre les vins de plusieurs des cantons de la France. On ne se la rappelle plus aujourd’hui qu’avec regret ou bien on n’en parle plus qu’avec le sourire du dédain. C’est aux propriétaires aisés, à eux seuls qu’est réservé l’honneur de cette grande restauration ; ils l’obtiendront comme leurs ancêtres, si, comme eux, ils ne dédaignent pas de se placer à la tête de leurs exploitations rurales. Leurs succès, leurs erreurs même, voilà le grand livre dans lequel la foule peut lire et apprendre à activer tous nos grands moyens de richesses territoriales. Plus on les considère dans leur nombre et leur diversité, et plus on est frappé d’étonnement et d’admiration, et plus un Français observateur sent se resserrer les liens qui l’attachent à sa patrie.

Les Anglais vantent les progrès qu’ils ont faits dans la science agricole ; et c’est à bon droit, il en faut convenir. Mais à quoi attribuer ce brillant essor, ces étonnans succès ? La nature leur auroit-elle donc départi un degré d’intelligence supérieur au nôtre ? Certes, si nous comparons les monumens créés par le génie chez les deux nations, notre orgueil ne recevra aucune atteinte de ce rapprochement. Et quant à l’agriculture, est-ce donc à l’excellence du sol, aux bienfaits d’un climat plus heu-