Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/128

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et des soins continuels[1].

Heureusement on compte parmi nous, dans nos grands vignobles sur tout, un certain nombre de cultivateurs pleins de zèle, de lumière et d’activité, qui, en agrandissant leur fortune, conservent et propagent l’antique renommée des vins de France. Puisse la foule des cultivateurs les prendre pour modèle et contribuer aux richesses d’une nation qui, dans ce genre de culture n’a point de rivale. La France seule peut recueillir sur ses collines, sur ses roches granitiques et calcaires, dans ses sables, pour ainsi dire, les plus arides, et sans toucher ni à ses terres à blé, ni à celles qui sont propres aux fourages ; un genre de production par lequel, non-seulement elle approvisionne ses habitans d’une boisson agréable et salutaire, mais qui est, par l’effet de leur propre industrie, le genre de commerce d’exportation le plus lucratif et le plus considérable qu’il y ait au monde.

CHAPITRE Ier

Notice historique sur les vignes et les vins de France.

L’Europe est redevable à l’Asie, non-seulement de la civilisation et des arts, mais encore de la plupart de ses graminées, de ses fruits, de ses plantes potagères, et même de la vigne. Les phéniciens, qui parcouroient souvent les côtes de la Méditerrannée, en introduisirent la culture dans les îles de l’Archipel, dans la Grèce, dans la Sicile[2] ; enfin en Italie et dans le territoire de Marseille. Elle n’avoit encore fait que bien peu de progrès en Italie, sous le règne de Romulus, puisque ce prince y défendit les libations de vin, qui depuis long-tems étoient en usage dans tous les sacrifices des nations asiatiques. C’est Numa qui, le premier, les permit ; et Pline ajoute que ce fut un des moyens qu’employa la politique pour propager ce genre de culture. Bientôt après les produits en devinrent en effet tellement abondans, qu’on put se livrer, et qu’on s’abandonna à l’usage du vin, avec si peu de modération que les dames romaines elles-mêmes ne furent pas sans reproches à cet égard. Les excès dans ce genre les entraînèrent insensiblement à quelques autres qui atteignirent, de plus près encore, l’amour-propre des maris. Ils réclamèrent avec empressement ; leurs plaintes et leurs cris, se firent entendre de toutes parts. De-là la loi terrible qui portoit peine de mort contre les femmes qui boiroient du vin ; et celle moins sévère qui autorisoit leurs parens à s’assurer de leur sobriété en les baisant sur la bouche, par-tout où ils les rencontroient. Ce dernier usage eut aussi ses inconvéniens.

  1. Notice historique sur les vins de Franconie et la culture de la vigne dans ces contrées, par M. Meiners à Gottingne, etc.
  2. On dit la culture, parce que dès le tems d’Homère, la vigne croissoit sauvage en Sicile, et probablement même en Italie.