Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/137

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lifiés seigneurs immédiats des meilleurs vins de la chrétienneté, à cause de leur bon pays de Bourgogne, plus famé et renommé que tout autre en croît de vin. Les princes de l’Europe, dit Paradin[1] désignoient souvent le duc de Bourgogne sous le titre de Prince des bons vins. Quand les papes eurent transporté en France le siége pontifical, en 1308, leur table, celle des cardinaux et des principaux officiers de la cour papale furent toujours fournies de vins aux dépends du monastère de Cluni ; et l’on conjecture que c’était du vin de Beaune, parce que Pétrarque, écrivant au pontife Urbain V, et réfutant les différentes raisons qui retenoient les cardinaux au-delà des monts, disoit leur avoir entendu alléguer qu’il n’y avoit point de vin de Beaune en Italie.

On transportait à Rheims des vins de Bourgogne pour la cérémonie du sacre des rois de France. Lors du couronnement de Philippe de Valois, en 1328, le vin de Beaune y fut vendu 56 francs la queue, somme très-considérable pour ces tems. Les états-généraux assemblés à Paris, en 1369, accordèrent un droit sur l’entrée des vins à Paris, droit plus juste dans sa perception, plus politique et mieux raisonné que celui qui fut établi depuis aux barrières de presque toutes les villes de France. Par celui-là, la taxe étoit la même pour les vins de Normandie que pour ceux de Bourgogne ; mais le premier établissoit une sage distinction entre la somme à percevoir sur les vins destinés à passer sur la table des riches et celle qu’on imposoit sur ceux qui devoit être consommés par la classe la moins aisée des citoyens. Ce droit d’entrée fut porté à 24 s. ou 120 cent. par queue de vin de Bourgogne, et à 15 s. ou 75 cent. seulement par chaque mesure correspondante sur les vins communs de France. Philippe le Bon ne voyageoit point qu’il n’eût à sa suite des vins de ses domaines pour sa provision ; il avoit contracté l’habitude d’en faire passer tous les ans un certain nombre de pièces à Charles le Téméraire.

Les rois de France ne négligèrent pas non plus de faire planter des vignes dans leurs domaines. Les capitulaires de Charlemagne fournissent la preuve qu’il y avoit des vignobles attachés à chacun des palais qu’ils habitaient, avec un pressoir et tous les instrument nécessaires à la fabrication des vins ; on y voit le souverain lui-même entrer, sur cette espèce d’administration, dans les plus grands détails avec ses économes. L’enclos du Louvre, comme les autres maisons royales, a renfermé des vignes, puisqu’en 1160, Louis le jeune put assigner annuellement sur leur produit, six muids de vin au curé de Saint Nicolas. Philippe-Auguste, suivant un compte de ses revenus pour l’année 1200, rap-

  1. Annales, liv. 3.