Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/152

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bordelais, assurés du débit constant de leurs vins, fiers même du haut prix auquel il est porté par les étrangers riches, ne se sont point mêlés aux querelles survenues entre les Bourguignons et les Champenois, au sujet de la suprématie à laquelle chacun des partis s’est cru en droit de prétendre exclusivement. Cette moderne bataille des vins n’a point été le sujet d’un fabliau, comme du tems de Philippe-Auguste, mais d’une thèse sérieusement soutenue, et gravement écoutée, en 1652, aux écoles de médecine de Paris. Le candidat à la licence tendoit à prouver sur-tout que le vin de Beaune est la plus saine comme la plus agréable de toutes les boissons. L’agression eut peu de succès, parce qu’elle ne parut que ridicule. Mais, quarante ans après, la Bourgogne produisit un nouveau champion ; le gant est jeté une seconde fois aux Bernois. Ceux-ci le relèvent, et font, à leur tour, soutenir une thèse dans les écoles de leur faculté, où le champion rétorque, contre la Bourgogne, toutes les injures que l’agresseur avoit prodiguées à la Champagne. Il ne manqua pas d’associer aux autres vignobles célèbres du Rémois les noms d’Aï, Pierri, Versenay, Silleri, Hauvillers, Tassi, Montbre, Vinet et Saint-Thierri qui tous, à son avis, l’emportoient de beaucoup sur les crûs les plus ventés de la Bourgogne.

Enfin, le docteur Salins, doyen des médecins de Beaune, fut chargé de la réplique ; et son ouvrage eut un tel succès qu’il fut réimprimé cinq fois dans l’espace de quatre années. Il tend à prouver que les vins de Bourgogne ont la propriété exclusive de fournir successivement une excellente boisson pour toutes les saisons de l’année. Il les place dans l’ordre suivant : Pomard, Beaune et Volenai ; les vins blancs de Mulsaut, les rosés d’Alosse et de Savigni, puis Chassagne, Santenai, Saint-Aubin, Mergeot et Blegni ; enfin, Nuits qui n’a pas son pareil, et ne peut être assez prisé. Les médecins Conseillèrent à Louis XIV l’usage de ce dernier vin, après une maladie qu’il éprouva en 1680.

Si le docteur Salins avoit plaidé cette causé de nos jours, il n’auroit pas manqué sans doute de rapporter que le petit vignoble de la Romanée proprement dit, qui ne consiste qu’en cinq arpens et un quart a été vendu environ quatre vingt-dix-sept mille francs, en 1772.

Les propriétaires dans les vignobles d’Auxerre et de Joigny, mécontens de ce que les défenseurs des vins de Bourgogne s’étoient bornés à confondre les vins de leur territoire avec les autres bons vins de cette province, mais sans en rien dire de particulier, témoignèrent leur mécontentement d’une pareille injustice. Ils entreprirent à leur tour le panégyrique de leurs vins d’Auxerre, et sous ce nom, ils cromprenoient Iranci, Coulanges, les Isles, Chauvent, Côtes-Chaudes, la Chenette, la Palette, Migraine, Boivin, Quétard, Clérion, Chaumont, Nantelle, Chapoté, Montembrase, Saint-Nitasse et