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dans le commerce, soit comme vins de côte, soit comme vins de Palus. On les préfère communément à ceux dits d’Entre-deux-mers. Le vignoble de la Palu est à la droite de la Dordogne, non loin de la Gironde, et dominé par celui de la côte ; garanti des vents du nord, il est frappé des rayons du soleil au levant et au midi, comme au couchant. Le sol du Bourgeais est formé d’un sable gras dont la couche est profonde et repose sur une chaîne de carrières précieuses pour la construction, parce que les pierres qu’on en extrait se durcissent à l’air.

La côte du Blayois, contiguë à celle du Bourgeais, est séparée du Médoc par la Gironde. Le débit de ses vins est toujours sûr, parce que le prix en est médiocre. Les vignes sont exposées à l’ouest, et la terre qu’elles occupent est humide et blanchâtre.

3°. Il nous reste à parler en dernier lieu des vignobles de Canon et de Saint-Émilion ; leur vin a un caractère qui lui est propre, du bouquet et de la qualité. Canon est cette côte qu’on apperçoit par de-là la Dordogne, près de Fronsac, à trois quarts de lieue de Libourne. Elle a pour exposition le midi et le couchant.

Saint-Émilion est un autre coteau derrière Libourne, qui reçoit tous les rayons du soleil de midi. La terre qui le couvre est formée par le détructos d’une roche à grain très-fin. Les vins de ces deux cantons ont plus de vigueur et de bouquet que ceux de Graves. Celui de Canon, sans avoir le parfum de la trufe, comme celui de Juvançon dans le Béarn, peut lui être comparé sous plusieurs rapports ; mais il est beaucoup moins capiteux.

Nous terminons ce chapitre par une remarque assez importante : c’est qu’à Paris comme à Bordeaux, rien n’est plus rare que le vin de Bordeaux de la première qualité, c’est-à-dire, des premiers crûs et d’une bonne année. Les Anglais seuls consomment ordinairement ces premiers vins, parce qu’ils sont assez riches pour satisfaire leur goût. « Depuis vingt ans que j’habite Bordeaux, m’écrit le correspondant qui a bien voulu me communiquer des renseignemens précieux sur les vignobles de cette province, je n’ai pas goûté trois fois des vins de cette première qualité ; cependant je suis à portée de les connoître et de m’en procurer quand il y en a. Les vins de l’année 1784 étoient si supérieurs à ceux des autres années, que je n’en ai pas retrouvé de semblables.

Si les premiers vins ne valent pas moins de deux mille livres le tonneau, dans une bonne année, l’époque de la récolte (et en l’an 6 ils ont été portés jusqu’à deux mille quatre cents) et qu’il faille les attendre six ans, alors ils ont doublé de prix ; et si on ajoute à ce capital les intérêts depuis les vendanges, les frais de mise en bouteille et en caisse, ceux du transport, ils vaudront au moins six francs la bouteille ; et on n’en vend pas chaque année mille bouteilles à ce prix ».

Les propriétaires des vignobles