Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/195

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montré que tous les plants, venus du nord au midi, gagnent en qualité ; donc je puis mieux à Béziers, ou dans les provinces méridionales, juger de la qualité d’un raisin ; donc les principes généraux établis sur ces qualités pourront être utiles dans les autres provinces ; c’est donc aux propriétaires à en faire l’application sur leur terroir ; et il est impossible que ces principes, confirmés par l’expérience, ne vaillent pas mieux qu’une routine sans principes. Au surplus, que l’on consulte les gens de l’art sur l’exactitude de mon raisonnement.

» Ce n’est pas assez d’observer pour communiquer ensuite ses expériences au public par la voie de l’impression : le paysan ne lit pas. Ce n’est donc pas par des livres qu’il faut l’instruire, mais par l’exemple. À cet effet, je m’engage à prendre chez moi en janvier 1784 quatre jeunes paysans ; en 1785, autant ; et autant en 1786 : ce qui fera le nombre de douze. Ils y resteront trois ans et seront nourris, éclairés, et chauffés gratuitement ; leur entretien sera à leurs frais. Ils resteront chez moi pendant trois années ; de sorte que ceux entrés en 1784 sortiront en 1787, et ainsi de suite ; de cette manière, il y aura toujours huit anciens et quatre nouveaux ».

Il est impossible de tracer un plan plus méthodique que celui-là, et d’imaginer un établissement où l’amour de la science et l’attachement à la chose publique soient plus authentiquement constatés. Rozier ne s’en étoit point tenu à une stérile spéculation ; il avoit jeté les fondemens de son travail, il le suivoit avec activité dans la terre qu’il habitoit près Béziers, quand les dégoûts, les contradictions sans nombre qu’on lui fit éprouver, les odieuses tracasseries auxquelles il fut en butte, le forcèrent à s’éloigner du séjour qu’il avoit choisi et à abandonner son utile établissement.

Dupré de Saint-Maur, secondé par le zèle du citoyen Latapie, en avoit fait commencer un du même genre aux environs de Bordeaux ; mais il a eu le sort du premier ; il n’existe plus ; les effets de la révolution l’ont anéanti. Le sol qui avoit reçu les divers plants de vigne, a passé en des mains étrangères, qui lui ont donné une toute autre destination. Les papiers publics nous ont appris que la société d’Histoire Naturelle du département de la Gironde, provoquoit de nouveau cet établissement ; qu’elle désignoit même au gouvernement le lieu qu’elle jugeoit le plus favorable à ses vues. Puissent les moyens de finances, qu’à cet effet on mettra sans doute à sa disposition, répondre à son zèle et à ses lumières !

Il est indubitable qu’un établissement de ce genre, porté au degré de perfection dont il est susceptible, répandroit de grandes lumières sur deux branches importantes d’histoire naturelle et d’économie rurale ; mais rempliroit-il toutes les vues de Rozier et de ses estimables émules ? J’en doute.

L’annonce de la collection qu’on se proposoit de former à Bordeaux,