Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/194

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genres et de commencer la synonymie. J’appelle cette année l’année de probation. 8°. Enfin, en 1786, qui est l’année de confirmation, reprendre les observations depuis 1781 et définitivement, constater la synonymie, parce qu’à cette époque le bois est parfait, la feuille bien dessinée, la fleur bien caractérisée et le fruit dans son état de perfection, pour la forme. Voilà le point le plus minutieux et non le moins important enfin déterminé ; et je ne crains plus de n’être pas entendu par-tout, lorsque je parlerai de telle ou telle espèce de raisin.

» Il s’agit actuellement de la culture, du sol et de l’exposition qui conviennent à chaque qualité de raisin : c’est un nouveau genre de travail. Pour cet effet, 1°. je ferai arracher ce mélange monstrueux de ceps provenus des différens vignobles de la France. 2°. Chaque espèce de raisin sera plantée séparément, 1°. dans un terrein pierreux et élevé ; 2°. dans un terrein graveleux ; 3°. dans de la terre végétale. Chaque plantation sera assez considérable pour donner deux pièces de vin, dont une sera conservée afin de connoître la qualité et la durée du vin, et, l’autre convertie en eau-de-vie, également pour connoître la quantité d’esprit ardent que l’espèce de raisin peut fournir, et la qualité dont sera cette eau-de vie.

» 3°. Comme toutes les espèces seront distinguées dans leurs plantations, et que chaque plantation occupera trois sols différens, il sera aisé de constater quel raisin doit être mélangé avec tel autre et quel sera le résultat de ces mélanges, selon leurs différentes proportions.

» Ce second travail doit encore durer six années. Pendant les trois premières, la vigne ne produit rien ; à la quatrième, son produit est presque nul ; dans la cinquième, il est encore trop aqueux et n’a ni caractère ni qualité décidés ; ce n’est que sur la sixième qu’on peut asseoir un jugement solide. Pour parvenir à ce point, il faut donc un travail assidu de douze années consécutives ; duquel résulte nécessairement un ouvrage utile à toutes les provinces, parce qu’il est fondé sur l’expérience et sur des observations soutenues.

» La seule objection plausible en apparence contre ce plan, consiste à dire : Vous faites vos observations dans le territoire de Béziers ; le grain de terre y est différent de celui d’Orléans ; ainsi vos principes ne peuvent s’appliquer ni au vignoble d’Orléans, ni aux autres vignobles de la France.

» Je réponds : n’est-il pas démontré qu’en 1753 le vin fut très-bon dans toute la France ? il ne fut bon que parce que le raisin acquit partout une maturité complette ; ainsi je dois bien mieux juger à Béziers de la qualité du raisin qu’à Orléans, puisque je suis assuré d’y avoir cette maturité complette. Quant au goût qui provient du terroir, il est indépendant de tous les renseignemens. Les vignes de Bourgogne ne donnent pas à Béziers du vin de Bourgogne ; mais l’expérience prouve que ces vignes y donnent un vin excellent. Il est dé-