Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/275

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déjà formé, il reste au point où il étoit quand la chaleur l’a saisi.

Si, au contraire, la disproportion de la chaleur avec l’abondance de la sève, est en sens inverse ; si la chaleur n’a pas la puissance, par son intensité et sa durée, d’élaborer la sève à mesure qu’elle est formée, et qu’elle se porte aux extrémités des sarmens ; si l’action des rayons solaires est insuffisante pour faire prendre aux nouvelles pousses la consistance ligueuse, et, par ce moyen, forcer la sève de refluer vers les grappes ; enfin, s’ils ne peuvent modérer le cours de ce fluide qui s’élance vers les sommets, avec une force et une rapidité supérieures, d’après les belles expériences de Hales et de Bonnet, à celles du sang jaillissant de l’artère crural d’un cheval, on obtient, il est vrai, des feuilles charnues, des pampres verdoyantes, des tiges d’une longueur et d’un diamètre étonnans, des grappes en profusion, enfin, tout ce qui annonce une végétation vraiment luxurieuse ; mais aussi une végétation entièrement vaine, sous les rapports de l’économie. On cultive la vigne pour le raisin ; mais le raisin qui est le produit d’une telle vigne, ne parvient jamais à son entière maturité ; le principe sucré ne s’est point formé ; ainsi, la liqueur qu’on en extraira ne sera point susceptible de contracter la bonne fermentation vineuse.

De ces deux disproportions, dont l’une consiste dans une quantité de sève insuffisante, et l’autre, dans une quantité de sève surabondante, relativement au degré de chaleur, la dernière est sans doute la plus commune dans le climat que nous habitons. Mais on ne peut établir des lois particulières que d’après des principes généraux ; et ce sont ces développerions qui nous conduiront, je pense, à des conséquences certaines. Il faut que le vigneron sache pourquoi sa récolte est presque toujours nulle vers la cime de son coteau, et pourquoi l’abondante moisson qu’il cueille à la base, lui donne souvent des produits d’une si misérable qualité. Il faut en outre rectifier l’opinion de quelques personnes qui croient que, par-tout les terres les plus sèches sont les plus propres à la culture de la vigne, que la terre même stérile lui convient mieux qu’aucune autre.

Les principes nutritifs de la vigne sont les mêmes pour cette plante que pour les autres végétaux, l’oxigène, l’hydrogène, le carbone ; ainsi, où le dépôt d’humidité n’est pas établi, la vigne ne prospère point. Elle ne végéteroit pas mieux dans notre climat sur une montagne de sable pur, assise sur le roc, qu’elle ne croît dans les sables de l’Arabie. Plusieurs faits[1] viennent à l’appui de ces assertions : nous en rapportons quelques-uns.

Près d’Ispahan, en plaine et

  1. Pendant les grandes sécheresses de l’été, les habitans de Beaune se réunissent dans les temples, et invoquent le ciel, afin d’en obtenir la pluie qu’ils jugent indispensable pour la maturité du raisin.