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sont revêtus d’une épaisse fourure : il semble qu’on ignore ou qu’on doute que les bêtes à cornes, les chevaux, les moutons et les porcs ont habité les forêts dans des tems plus humides, et qu’on pense généralement que les toîts, d’après la nature même, sont d’une absolue nécessité.

Quelques agronomes séduits par l’exemple d’une méthode contraire, usitée chez des peuples plus septentrionaux, ou trompés par des faits sans réalité, ont voulu tout-à-coup transformer en bêtes sauvages des bêtes domestiques énervées et affoiblies de générations en générations ; mais ne connoissant pas la pratique ni le régime propre à ces animaux, ils les ont fait périr, et ils ont ainsi fait proscrire tout autre régime que celui des étables.

D’autres plus éclairés en physiologie, animés par le désir du bien public ou flattés d’être les auteurs d’une méthode nouvelle, mais incapables d’avoir le courage de suivre de près ce qu’ils vouloient introduire, ont été forcés de revenir à l’usage commun, et de céder aux gens même de la campagne, contre lesquels il est difficile, en effet, de lutter pour faire établir un autre régime que celui des toîts strictement clos et couverts.

Les cultivateurs françois aussi, comme les citadins et les guerriers, ont leur impatience et le vif désir de voir promptement réaliser ce qu’ils conçoivent ; avec de la réflexion, avec un zèle constant et raisonné, on se convaincroit facilement qu’il faut au moins quelques années pour faire perdre l’habitude d’une domesticité invétérée depuis plusieurs siècles, pour donner au sang l’action et l’ardeur que l’inertie et les alimens préparés, ont de plus en plus altérée : mais sans se donner le tems ni la peine de se livrer à ces considérations, ils soumettent leurs bestiaux à des expériences précipitées. Les uns, les font sortir brusquement des écuries et les abandonnent dans les herbages ; d’autres, avec la même imprévoyance, les enlèvent aux pâturages pour les fixer à des râteliers ; d’autres enfin, par système ou par manie pour des expériences, placent leurs bestiaux sous des hangards où ils sont à peine garantis de la pluie, et ne leur donnent que du fourage sec ou verd exclusivement et de l’eau ; les animaux ainsi arrachés à leurs habitudes, dépérissent, et s’ils n’en meurent pas, ils sortent des lieux d’expérience tellement maigres et chetifs, qu’on n’ose ni les produire ni en parler ; et bientôt la routine et les préjugés reprennent leur empire avec plus de force qu’auparavant.

Cependant, dans l’état actuel des choses, d’après l’usage des pays à grande culture où les terres sont couvertes chaque année de plantes céréales, accessibles au parcours des bestiaux qui divagueroient ; il faut convenir qu’un régime champêtre, pris dans un sens absolu, seroit aussi extrême que l’est celui par lequel on réduit et on tend sans cesse à réduire à un état violent de domesticité, tous les animaux robustes, même ceux que la nature a le mieux garantis contre