Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/300

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de larges feuilles, une grande abondance de raisins ou plutôt de raisinettes, pour nous servir de l’expression de Bernard Palissi ; si en un mot nous ne cultivions la vigne que pour obtenir la maturité botanique de son fruit, nous souscririons volontiers à la doctrine de Maupin. Mais il entend parler et nous parlons aussi de raisins propres à nous donner un suc propre à être converti, non en verjus, non en piquette, mais en vin, en bon vin. Ne nous faut-il pas, pour cela, le muqueux doux-sucré ? c’est-à-dire un degré de maturité tel, dans le raisin, qu’on l’attendroit vainement dans les trois quarts de nos vignobles si on appliquoit indistinctement partout les principes de cet œnologiste sur l’espacement des ceps. Nous l’avons déjà dit plusieurs fois, et c’est ici le cas de le répéter encore, cette maturité du raisin ne s’obtient que par une juste proportion entre la quantité de séve circulant dans la plante et l’intensité de la chaleur atmosphérique, exerçant sur elle sa puissance. Si vous procurez à la plante plus de séve que les rayons du soleil n’en pourront élaborer, elle ne vous donnera que de mauvais fruits ; et, vu son intempérance naturelle, la séve circulera en elle avec excès et d’une manière disproportionnée à la chaleur, si vous vous conformez à la méthode de Maupin, qui ne tend qu’à lui fournir par-tout, sans règle et sans mesure, les moyens d’absorber la plus grande quantité possible d’élémens séveux.

Ne seroit-il pas plus conforme aux lois de la saine physique de dire : par-tout où vous pouvez obtenir dans le raisin assez de maturité pour que le mucilage se convertisse en muqueux doux-sucré, même en laissant une grande distance entre les ceps, ne négligez pas ce moyen ; vous en obtiendrez des récoltes plus abondantes, vous prolongerez la durée de votre vigne, les frais de culture seront plus modérés, et votre vin n’en aura pas moins les bonnes qualités qu’il doit avoir ? Mais si vous cultivez la vigne à une température moins chaude, dans une terre plus féconde ou à une exposition plus incertaine que nous ne venons de la supposer, gardez-vous d’espacer les ceps de la même manière, parce que vous devez chercher à diminuer leurs dimensions, pour restreindre d’autant plus ses facultés absorbatoires. Vos récoltes seront moins abondantes, il est vrai, mais elles auront toutes les qualités qu’elles sont susceptibles d’acquérir, parce que vous aurez eu le bon esprit de ménager une juste proportion entre la quantité des élémens séveux et la somme de chaleur que vous avez eue, pour ainsi dire, à votre disposition, pour les élaborer.

Les partisans du système de M. Maupin nous répondront peut-être que notre raisonnement n’est fondé que sur la théorie, que nos raisons ne sont que spécieuses, et qu’elles doivent disparaître devant l’expérience. Ils nous citeront en conséquence une lettre de feu M. de Fourqueux, adressée à l’auteur lui-même, dans