Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/315

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ont aussi bien plus d’action sur les jeunes bourgeons que sur les boutons encore revêtus de leur bourre.

Les raisons dont on s’autorise pour suivre chacune de ces méthodes sont incontestables. Le talent consiste à savoir les modifier l’une par l’autre. En effet, ici, la taille d’automne doit être préférée ; là, on ne doit admettre que celle du printems ; telle race veut être taillée tôt ; telle autre demande à l’être tard. Le cultivateur a le plus grand intérêt à obtenir dans le même tems la maturité de tous les différens cépages ; et cependant les uns sont précoces ; les autres sont tardifs ; retarder la végétation des uns, avancer celle des autres, les connoître tous et les diriger tous vers la même fin, est une partie essentielle de l’art de les cultiver. Il y a plus de deux siècles qu’Olivier de Serres professoit la même doctrine. « Quant au tems de la taille, il sera limité par le fonds de la vigne et espèces de ses complants, selon l’adresse du planter. Si la vigne est assise en coustau chaud, de terre mégre et séche et composée de races ayans petite mouëlle, sera couppée le plustost qu’on pourra après que ses feuilles seront tombées ; au contraire, le plus tard, celle qui est posée en plate campagne, de terre grasse, humide et froide, fournie de complant de grosse mouëlle. Et où qu’elle soit assise, ny de quelles espèces complanter, tousiours on choisira vn beau jour pour la tailler, non importuné de froidures ny d’humidités. C’est pourquoy en vn endroit faudra mettre la serpe deuaut l’hyver, et en l’autre après. Le plustost est limité au mois d’octobre, le plus tard en celui de mars. Ceci est tout asseuré, que la taille primitive cause abondance de bois aux uignes : et la tardiue, au contraire, n’en fait produire que bien peu. L’obseruation de ces deux contrariété est dutout nécessaire ». Il ne nous reste plus qu’un mot à ajouter sur cet article important de la culture de la vigne : si on taille trop tôt, c’est-à-dire, avant la chûte entière des feuilles, avant que le bois ait acquis le terme de sa maturité, il ne restera pas aux plantes trois ans d’existence. Ce fait est constaté par l’expérience et par une longue suite d’observations. Si on taille trop tard, après que la sève a repris son cours, la plus grande partie s’en dissipera en pleurs, en pure perte pour la végétation. L’époque redoutable par-tout pour la taille est celle des grands froids, parce qu’alors, comme le dit encore Olivier de Serres, les froidures pénètrent dedans la vigne par ses grosses entrées. Dans tous les cas, l’ouvrier doit choisir un beau jour et se pourvoir d’une serpette bien tranchante, pour éviter de faire éclater le bois. La coupure, comme pour former le haut d’une crossette, doit présenter la forme d’un bec de flûte ; elle résulte en effet du coup de poignet par lequel la serpette est tirée de bas en haut. Il est essentiel que la taille soit