Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/314

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la charger amplement, sauf à la ménager à la taille suivante si on la trouve fatiguée. Dans les années sèches, la vigne fait peu de bois, alors taillez court, chargez peu si l’hiver a été rigoureux : si le bois et les boutons en bourre ont gelé en partie, ne vous hâtez pas de retrancher le bois gelé, on peut encore espérer une récolte sur les arrières bourgeons. Peu après que la température sera devenue plus douce, examinez les bois qui ont souffert et les yeux qui sont éteints, tirez sur les bons bois et sur les bons yeux, dussiez-vous même alonger plus que de coutume, sauf à ravaler l’année suivante et à asseoir la taille sur le bois qui aura poussé immédiatement de la souche.

Quelle est la saison la plus favorable à la taille ? Cette question est encore à résoudre ; ni les vignerons ni les œnologistes ne sont d’accord entr’eux sur ce point. Il ne faut pas s’en étonner, parce que les uns et les autres ont toujours généralisé leurs principes et constamment raisonné d’après les événemens particuliers aux lieux, aux expositions, au sol, au climat dans lesquels les premiers ont travaillé et sur lesquels les seconds ont observé. Au reste le différend dont il s’agit ne peut embrasser que deux saisons, l’automne et le printems. Les partisans de la taille d’automne se déterminent d’après les considérations suivantes : 1o. Ce travail fait en automne, laisse plus de tems pour vaquer à la foule des occupations que prescrit le retour du printems ; 2o. toutes les variations de l’atmosphère qui peuvent imprimer du mouvement à la sève (et elles sont assez communes dans les hivers ordinaires) concourent à l’avancement de la vigne ; elles portent déjà de la nourriture dans les vaisseaux et dans les rudimens des bourgeons ; dès les premiers beaux jours ceux-ci se développent. Cette espèce de précocité s’étend à tous les périodes de la végétation ; la vigne y gagne au moins quinze jours de chaleur ; de-là un bois plutôt formé et mieux aoûté ; de-là des fruits plus mûrs : de-là une maturité qui précède le retour des premières gelées, dont l’effet est de resserrer les fibres du bois, de sécher les feuilles, de durcir l’enveloppe de la pulpe, et, par conséquent, d’arrêter tout-à-coup la circulation de la sève, et d’empêcher la formation du muqueux doux-sucré.

Ceux qui se font une loi de suivre le système opposé se fondent sur les désastres occasionnés par les hivers rigoureux, dont les effets sont bien autrement sensibles pour la vigne taillée dès l’automne que pour celle qui ne recevra cette façon qu’après les grandes gelées. Le bois de la vigne est moelleux et spongieux, ses pores sont très-ouverts : elle est abondante en sève ; en la taillant l’hiver, la gelée, les frimats, le givre, les neiges, les brouillards morfondans et toutes les humidités froides, entrant par toutes les ouvertures faites à la plante, se congèlent et pénètrent jusque dans son intérieur. Les gelées printanières