Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/321

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de tous ses soins ; il craint qu’elles ne manquent de nourriture ; il ne voit qu’avec effroi le prolongement presque démesuré des sarment ; il craint que toute la sève ne se convertisse en bois, que les grappes n’en soient affamées et que le raisin ne profite pas. Que fait-il alors ? il prend le parti de rogner l’extrémité du bourgeon, pour forcer la sève de refluer vers la grappe. Elle reflue en effet, mais c’est pour s’échapper par tous les yeux inférieurs, et donner naissance à une foule de brindilles, de faux bourgeons et de branches chiffonnes que bientôt après le vigneron retranche, de crainte que tous ces rejettons ne vivent encore eux-mêmes aux dépens de la grappe : c’est ce qu’on nomme ébourgeonner. Enfin, dans les mêmes vues et pour donner de l’air au fruit, il opère sur les feuilles, vers la fin de l’été, un troisième retranchement qu’on appelle épamprer. Il résulte de très-bons effets de tous ces procédés quand ils sont mis en usage à propos, qu’ils sont employés avec discernement sur des sujets jeunes et vigoureux, plantés dans un sol second et à température plutôt douce que chaude ; seulement le cultivateur se trompe quand à leur effet. Ce n’est pas parce que la sève manquera au raisin, quel que soit le volume des branches et des feuilles du cep qui le porte, qu’il est quelquefois utile d’en retrancher une partie ; mais au contraire, parce qu’il résulteroit de tous ces nombreux produits de la végétation, une sève tellement abondante, que la chaleur commune seroit insuffisante, dans la plupart de nos climats, pour l’élaborer et la convertir en muqueux-sucré. S’il en étoit autrement, les plants les plus petits ou les plus vieux, les foibles cépages, les races les plus délicates gagneroient, dans les terres les plus arides, à supporter ces diverses façons : cependant l’on sait, par expérience, qu’ils n’y survivroient pas long-tems. S’il en étoit autrement, on rogneroit, on ébourgeonneroit, on effeuilleroit dans les climats les plus chauds où la végétation de la vigne est bien autrement active et luxurieuse que dans nos vignobles du centre et du nord de la France ; et cependant ces divers procédés y sont inconnus. On n’arrête point la vigne, on ne l’ébourgeonne point, on ne l’effeuille point en Sicile, en Italie, en Espagne, ni même en Provence, en Languedoc, en Guienne, en Angoumois, ni sur la côte du Rhône : et le raisin n’y acquiert pas moins le volume et le degré de maturité qui conviennent pour la perfection de ce fruit : c’est que la chaleur du soleil y supplée dans ces contrées. Au reste, si vous êtes obligé de l’employer dans toute l’étendue ou dans une partie de votre domaine, sur tous les individus ou sur quelques-uns seulement, employez la serpe pour rogner et pour ébourgeonner, et les ciseaux pour effeuiller. N’imitez pas, pour donner la première de ces façons, ces mal-adroits cultivateurs qui empoignent d’une main plusieurs bourgeons à-la-fois, les compriment en paquet, et, de