Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/320

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tueuse, qu’on devroit même lui préférer la culture sans échalas, par-tout où les rameaux peuvent se soutenir d’eux-mêmes et ne pas ramper sur terre, encore, dans ce dernier cas, auroit-on la ressource dont on ne profite pas assez généralement sur les côtes de l’Aunis et des îles qui les avoisinent, d’assujettir les sarmens sur des fourchettes de bon bois, à la hauteur de trois à quatre décimètres. Il est beaucoup de vignobles dans lesquels on trouve des parties de terrain où on pourroit se passer et d’échalas et de palissades. Combien de coteaux couverts de vignes, dont les cimes arides et pierreuses fournissent si peu d’alimens séveux qu’on ne laisse à la taille qu’une ou deux flèches sur chaque cep ? Il en naît des rameaux minces et courts qui portent des grappes de bonne qualité, mais petites et proportionnées à la foiblesse du plant qui les produit. À quoi bon les échalasser ? On conçoit que, vers le milieu du coteau, où la végétation est forte, que vers le bas où elle est quelquefois même luxurieuse, il faut donner un appui aux sarmens ; mais sur la hauteur, où ils ne manquent pas d’air, où ils se soutiennent d’eux-mêmes, leur fournir des échalas, n’est qu’une dépense inutile et du temps perdu. L’usage de les employer, répond-on, est introduit dans la contrée ; et on en met par-tout. Voilà le mal. L’agriculture ne fera de vrais progrès que quand les cultivateurs se rendront compte des motifs qui déterminent les diverses pratiques de leur art.

N’est-ce pas l’irréflexion seule qui leur fait commettre tant d’erreurs, relativement à la rognure, à l’ébourgeonnement et à l’épamprement de leurs vignes ? Par-tout où ces différentes façons sont d’usage, nécessaires ou non, non seulement on les étend indistinctement à toutes les parties du vignoble, à toutes les races, à tous les individus ; mais on les donne à des époques fixes. Cependant elles ne devroient avoir lieu que là où elles sont nécessaires, et quand elles sont indispensables ; et le temps et la nécessité de les employer ne peuvent être prescrits positivement que par l’état de l’atmosphère et par la manière dont le temps s’est comporté. Il est vrai de dire encore que si elles sont utiles à certaines espèces, à certains individus, il en est aussi pour lesquels elles ne sont qu’une maladroite mutilation.

Nous avons dit dans le chapitre de la physiologie de la vigne, que cette plante absorbe bien plus de principes nutritifs, qui se convertissent en sève, par ses pampres que par ses racines, et que l’absorption qu’elle en fait est d’autant plus grande, comparativement à la même fonction dans les autres végétaux, que ses feuilles sont plus nombreuses et qu’elles présentent des surfaces plus étendues. À peine ses premiers bourgeons ont-ils paru, que si la température est douce et l’atmosphère un peu humide, ils croissent avec une étonnante rapidité. Les grappes ne tardent pas à paroître ; le vigneron les contemple avec allégresse ; elles sont l’objet