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feuillèrent sagement. Celui des premiers mûrit moins que celui des derniers. Il faut donc mettre beaucoup de prudence en effeuillant, commencer par peu, aller toujours en augmentant et s’arrêter, dès que l’on s’aperçoit que la pellicule du raisin commence à se rider et le grain à se ramollir : cet indice est certain.


Section IV.

Des labours, des engrais et du goût de terroir.

Il est utile et même indispensable de donner des labours à la vigne. Les labours divisent la terre, la rendent perméable à l’humidité et susceptible d’être pénétrée par les rayons du soleil ; ils la nétoyent d’une foule d’herbes dans lesquelles la vigne se perdroit, pour ainsi dire, si l’on n’avoit le soin de les extirper, et à plusieurs reprises, dans le courant de l’année. Une vigne non labourée n’est qu’une chétive plantation forestière ; les lichens et les mousses ne tardent pas à couvrir ses tiges qui, dès-lors, ne donnent plus que des rameaux frêles, des feuilles étroites et minces. Ses fruits ne mûrissent jamais et ressemblent dans tous les points à ceux des vignes incultes qui croissent dans les haies de nos provinces méridionales. Sans les labours, un jeune plantier ne prendroit pas même racine ; et, dans le Nord de la France, une vigne faite ne vivroit pas trois ans sans labours.

Cependant il ne faut pas appliquer à la vigne tous les avantages qu’on attribue, dans les autres genres de culture, à la fréquence des labours. La vigne est une plante vivace qui, bien cultivée, est susceptible de prospérer dans le même terrein pendant une longue suite d’années. À peine est-elle sortie de l’enfance que tout le chevelu qui part de son colet, s’étend en tout sens, mais à peu de profondeur, dans toute l’étendue de la terre qu’on lui a consacrée. Les racines de la partie inférieure plongent et pénètrent plus avant en terre ; le fer du laboureur ne peut les atteindre, mais elles contribuent beaucoup moins que les premières la nutrition de la plante parce que celles-ci sont frappées par la lumière et qu’elles trouvent à leur portée les substances alimentaires que l’air dépose à la surface de la terre. Aussi devroit-on proscrire par-tout l’usage introduit dans quelques vignobles d’ébarber les ceps, c’est-à-dire, de racler la souche avec un instrument tranchant pour en détacher tous ces précieux filamens, qu’on traite comme des gourmands ou des parasites, tandis qu’ils sont les premiers moyens employés par la nature pour opérer la végétation, et qu’ils doivent être considérés comme les organes les plus utiles à la plante. Non-seulement il est absurde de l’en dépouiller, mais il ne faut pas ignorer qu’il ne veulent être ni fréquemment mis à découvert, ni sans cesse tourmentés et dérangés de leurs fonctions. Il peut résulter d’aussi graves inconvéniens du trop de labours que des labours donnés à contre-tems, à de certaines époques de la végé-