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le faut et aller chercher l’engrais par-tout où il se trouve.

La méthode de fumer la vigne tout-à-la-fois est à réformer. D’abord, le besoin d’engrais n’est pas par-tout le même ; et s’il résulte quelqu’accident de celui qu’on a employé, comme des obstructions dans les canaux séveux, une végétation forcée ou quelque mauvais goût au vin, n’étant que partiel, l’effet en sera, pour ainsi-dire, insensible. Il est donc préférable de n’amender annuellement qu’une certaine quantité de terre, et de renouveller les engrais plus souvent et avec discrétion, que d’en employer beaucoup à-la-fois et seulement tous les dix ans.

Les fumiers frais, les engrais tirés des voieries, les matières fécales non encore converties en poudrette, ne sont pas les seules substances qui impriment au vin un mauvais goût, et que, par une expression impropre, on nomme généralement goût de terroir. La vigne est douée d’une telle force d’aspiration qu’elle attire, pompe et s’assimile toutes les substances vaporisées suspendues dans l’air ou combinées avec l’eau qui sert de véhicule à ses principes nutritifs. On devroit distinguer, je crois, deux sortes de goût de terroir, goût naturel, goût artificiel de terroir. Le premier est dû à la dissolution, à la vaporisation d’une partie des substances minérales et métalliques qui composent le sol de certains vignobles. Ces dissolutions, ces vaporisations opérées par l’action continuelle de l’air, par la chaleur et par l’humidité atmosphérique, se confondent avec les élémens de la séve, s’introduisent avec eux dans les plantes et restent suspendues dans toutes les parties qui les composent. Tel est sans doute le principe du goût de terroir naturel, et qu’on désigne dans certains vins, sous les noms de pierre à fusil, de goût de truffe, de violette, de framboise, etc. Ces goûts sont inhérents à la nature du sol et indépendants de la volonté et du travail des hommes ; d’ailleurs ils sont plutôt remarqués comme une qualité, que comme un vice dans le vin. Mais il n’en est pas ainsi du goût de terroir artificiel. On peut attribuer celui-ci à plusieurs causes différentes. Tantôt il est dû aux émanations odorantes de la corolle, et quelquefois même des feuilles de quelques plantes qui croissent dans certains crûs de vignes et qu’on néglige de détruire à tems, telles que l’aristoloche, le souci, la verveine, la mercuriale, la ronce, etc. Tantôt il résulte des parties gazeuses des fumiers frais, des excrémens humains, des engrais tirés des voieries et de ceux formés des plantes grasses qui croissent sur les bords de la mer. Quelquefois il suffit qu’une vigne soit exposée à la fumée d’un four à chaux, d’un fourneau de charbon ou de quelqu’usine où l’on consomme du charbon de terre, pour que la vigne s’en imprègne et transmette au vin un goût détestable. Les vignes plantées sur des coteaux situés sous le vent de ces fumées sont beaucoup plus susceptibles de s’imprégner de leur odeur, que celles de la plaine. Cette dif-