Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/333

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férence doit être attribuée sans doute à l’effet de l’ascension naturelle de la fumée qui, portée par le vent, est retenue, et pour ainsi dire, condensée par l’opposition que la coupe verticale et l’élévation du terrain forme à sa raréfaction. Ce fait est constant et reconnu par tous les propriétaires de vignobles voisins des fours à chaux. Il suffit de voir s’élever un de ces fours, pour que l’alarme se répande aux environs, dans la crainte bien fondée de la détérioration du vin et de la diminution de plus de la moitié de son prix.

Il paroît 1°. que c’est vers l’époque où le raisin touche à sa maturité et que l’enveloppe de ses baies et toutes les parties de la plante sont parvenues au plus haut degré de leur dilatation que les substances fuligineuses s’implantent, pour ainsi-dire, dans la pellicule des grains et dans le tissu cellulaire des rafles ; aussi les habitans de Beaune, qui ont un si grand intérêt à conserver à leur vin toutes ses qualités et toute sa délicatesse, se font-ils une loi de ne brûler dans les rues, pendant les quinze jours qui précèdent la vendange, ni feuilles, ni paille, ni chenevottes, de peur que la fumée n’imprime quelque mauvais goût au vin.

2°. Que le goût de certaines substances gazéifiées auxquelles l’eau ou les élémens de la sève ont servi de véhicule, pour les introduire dans la plante, est masqué dans le fruit par le muqueux-sucré et mis à nu dans le vin par l’effet de la fermentation, puisqu’on ne l’apperçoit pas dans le fruit lorsqu’on le mange. Henckel a remarqué que des grains, pour la récolte desquels on avoit employé des excrémens humains, avoient donné une bière du plus mauvais goût. Le célèbre Rouelle a analysé à plusieurs reprises, devant ses élèves, des vins fabriqués sur les côtes de l’Aunis, où le raisin traîne sur la terre, et où l’on fume les vignes avec des plantes marines, et il en a constamment obtenu, et dans une assez forte proportion, du muriate de soude en nature.

3°. Que ce n’est pas seulement dans la rafle ou dans la pellicule des grains que résident certains principes, qui donnent le goût de terroir, puisque plusieurs de ces mêmes vins ne subissent la fermentation qu’après l’égrappement ; et que, dans d’autres, la fermentation ne s’établit dans le moût qu’après avoir été séparé des pellicules du raisin.

4°. Que les principes du goût de terroir se modifient diversement dans les plantes, suivant la diversité des races et la variété des cépages, et peut-être aussi, suivant les circonstances qui accompagnent la fermentation. On a observé que, dans le beau vignoble de Sauterne, dont les vins blancs sont si estimés et dont le goût particulier est celui de la pierre à fusil, le peu de vin rouge qu’on y recueille a un goût de terroir très-fort et très désagréable ; il a de l’amertume, une sorte de saveur alumineuse qui diminue, il est vrai, à mesure que le vin vieillit, mais qui ne se perd jamais en entier. Les éma-