Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/349

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rial, messidor et ainsi successivement, que le provin produit les racines qui le mettent en état de pouvoir se soutenir, l’année suivante, par lui-même. Il faut donc que, jusqu’au moment où il ne devra plus rien aux autres, il partage avec eux la plus grande partie de leurs sucs nourriciers. On apperçoit bien, dès la récolte suivante, de l’effet de cette fatale division ; le raisin de toutes les branches du cep est maigre et peu nourri ; il est moins vigoureux lui-même, et il se dépouille de ses feuilles long-temps avant les autres ceps qui l’avoisinent. On ne peut admettre aucune comparaison entre la première manière de végéter d’une crossette et celle d’un provin. La crossette est mise en terre ou venant d’être coupée sur le cep, et après avoir trempé quelques heures dans l’eau, ou après avoir été coupée depuis quelque temps et conservée dans un sable ou dans une terre un peu humide. Dans le premier cas elle commençoit à être en séve ; l’eau avoit ouvert ses pores et lui avoit communiqué l’humidité nécessaire pour la conserver en terre ; les conduits séveux, plus dilatés, ont facilement absorbé les vapeurs nourricières de la terre ; et les racines ont poussé. Dans le second, les rudimens des racines commençoient à paroître ; elles n’ont eu qu’à se développer. Mais le provin n’est qu’un sarment sans préparation ; il fait tous ses efforts pour produire des racines, mais il n’en produira jamais s’il est séparé du cep aussitôt qu’enterré. Le proyin tire donc pendant long-temps toute sa nourriture du cep ; et si la mère-souche n’est pas détruite par la soustraction de sa substance, au moins elle en sera épuisée. Ce mal n’arriveroit pas si, quand on veut provigner on couchoit le cep entier ; alors le cep ne vit plus pour lui, mais seulement pour conserver l’existence des rameaux qui doivent le reproduire. Il est vrai que, dans quelques cantons, on couche le cep entièrement ; mais on ne lui donne jamais une fosse assez profonde. On se contente d’égratigner la terre à la profondeur d’un décimètre et demi ou deux, de faire décrire au cep une ligne inclinée, au lieu de le déchausser jusqu’à ses racines ; non seulement il est contraint, forcé, et gêné, dans cette posture, mais il est sans cesse exposé à être mutilé par l’instrument des labours. On se propose, dans cette opération, de faire pousser au vieux bois enterré, une quantité suffisante de racines propres à nourrir le jeune bois et à l’amener à l’état de cep ; et il arrive qu’en couchant ainsi négligemment une mère-souche, elle pousse peu de racines, qu’elles s’étendent toutes à la surface du peu de terrain qu’on a remué, et qu’elles sont par conséquent exposées à toutes les intempéries des saisons. Au reste, il n’est pas un vigneron de bonne foi qui ne convienne que ces sortes de provins ne sont jamais de longue durée et qu’ils sont incapables de retarder la ruine d’une vigne.

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