Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/354

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obtenir des vins de quelque qualité, des raisins produits par des treilles, même quelque douce, quelque agréable, quelque parfumée qu’en fût la saveur. Il faut pour la formation du muqueux sucré qu’on ne doit pas confondre, comme nous l’avons déjà dit tant de fois, avec le muqueux-doux ; il faut que toute la plante nage, pour ainsi dire, et pendant un temps assez long, dans un bain de chaleur qui paroît n’exister réellement, au moins dans nos climats, que près de la terre..

La couleur de la terre n’est pas d’un blanc éclatant comme celle d’un mur crépi à chaux et à sable, ou enduit de plâtre ; ses pores sont plus écartés que ceux des matières dont on construit les murs, et par conséquent elle ne réfléchit pas les rayons du soleil avec autant de force que ceux-ci ; mais elle se pénètre de leur chaleur pendant le jour, et elle la transmet aux plantes pendant la nuit. Il paroît qu’une chaleur durable est plus propre au développement du principe sucré qu’une chaleur plus forte, mais de moindre durée ; aussi avons-nous observé que les murs en terre et en brique sans enduits, sont plus favorables à la maturité des fruits en général, que ceux formés de grosses matières, crépis à chaux et à sable, ou recouverts de plâtre.

Un mur servant de clôture ou de pignon, et qui a l’exposition du sud-est ou du sud, ou sud-ouest, peut être également propre à l’espacement, d’une vigne. On rejette 1°. l’aspect du soleil levant, parce que la vigne y seroit trop fréquemment exposée aux gelées ; 2°. celle du couchant, parce qu’elle ne jouiroit pas assez long-temps de ses regards bienfaisans, 3°. celle du nord, parce que le raisin n’y mûriroit presque jamais. Le propriétaire doit se régler dans le choix des trois premières expositions dont on vient de parler, d’après la nature du sol et la température moyenne du climat qu’il habite. Plus sa demeure se rapproche des régions humides et froides, moins sa terre est divisée, plus il doit rechercher le soleil et la lumière. Le même principe le dirigera dans le choix des cépages propres à former les treilles. Les taurillons, le pineau, le sauvignon, la donne, le muscadet enfumé, le ciotat, le grec, l’africain, le malvoisie, le bordelais, les muscats, les chasselas, sont tous de très-bons raisins, quand ils sont parvenus à leur point ; mais ils ne mûrissent pas tous à la même température. Le bordelais, par exemple, qui produit un excellent raisin dans la ci-devant Guienne, ne donnent dans le climat de Paris, même en treille, que du verjus ; et il n’y est guère connu que sous ce nom. Les muscats, cultivés en plein champ dans nos départemens méridionaux, y rapportent des fruits exquis ; et les mêmes cépages, quoique dirigés en espalier, ne mûrissent que difficilement et très-rarement dans nos provinces du centre. Le climat a une telle influence sur les variétés et les races de la vigne, que telle qui est précoce dans un lieu, respectivement à ses congé-