Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/355

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nères, est plus tardive qu’elles dans un autre. Au nord de la Loire, les races blanches mûrissent ordinairement les dernières ; et en s’approchant du midi, on voit leur maturité précéder celle des cépages colorés. Cependant il en est une espèce, parmi celles que nous avons nommées, dont les produits peu recommandables, il est vrai, pour être convertis en vin, jouissent de la réputation la mieux méritée, comme fruits de table, comme comestibles. Je parle du chasselas : il réunit la double qualité, et de le disputer, pour la saveur, aux raisins les plus exquis, et d’être si peu délicat sur le climat, que, dirigé en treille, placé à une bonne exposition et cultivé avec soin, il prospère sur presque tous les points de la France. On connoît la renommée des chasselas de Montreuil, de Fontainebleau, de Tomeri. Ce genre de culture réussit si bien dans ces endroits à ceux qui s’en occupent, que quelques personnes pensent qu’ils emploient des moyens particuliers, dont ils font un mystère aux étrangers ; mais c’est une erreur : ils n’ont d’autre secret que de donner à cette culture tous les soins de détail dont elle est susceptible. Nous avons vu dans le beau jardin planté à Ris, par l’ancien musicien Cupis, des treilles de chasselas bien soignées ; le raisin quelle produisoit formoit la principale branche du revenu de cet artiste, et ne le cédoit à celui de Fontainebleau, ni pour la qualité, ni pour l’abondance de la récolte, ni pour sa valeur vénale ; mais Cupis et ses successeurs cultivoient par eux-mêmes ; ils mettoient la main à l’œuvre et travailloient, pour ainsi-dire sans relâche, sur-tout depuis le moment où le raisin étoit tourné, jusqu’à celui de la cueillette.

Quelles que soient les espèces de raisin dont vous vous proposez de former une ou plusieurs treilles, n’hésitez pas à leur consacrer exclusivement un mur ou une grande partie de mur.

L’usage de planter alternativement un cep de vigne, un pêcher ou un poirier est très-vicieux. Il n’y a pas un bon écrivain sur le jardinage qui ne le condamne. Pour vouloir trop avoir on n’a rien ou presque rien. Les racines de ces diverses plantes se rapprochent, se mêlent les unes avec les autres et se nuisent mutuellement. La vigne, comme plus vivace, affame tellement celles qui l’avoisinent qu’elle finit par les stériliser et les détruire. On cherche en vain à justifier cette méthode en disant qu’on se borne à tirer de chaque cep un seul cordon qui, adossé au chaperon, occupe peu de place et par conséquent ne peut nuire aux arbres, dont il ne fait que le couronnement. Mais on ne réfléchit pas que cette tige en cordon se garnit d’un large et épais feuillage qui, formant une espèce d’auvent par-dessus l’arbre, lui ravit les bienfaits des pluies et des rosées, lui donne de l’ombre et s’oppose au renouvellement de l’air indispensable pour sa respiration. D’ailleurs les pampres forment des goutières sur les branches et sur