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de vigne qui ne laissent pas le choix de les cultiver indistinctement sous telle ou telle latitude. Le sol, le climat, l’exposition, la culture, tout doit être approprié à leur nature inflexible ; et la moindre interversion apportée dans ce caractère naturel, en altère essentiellement le produit. C’est ainsi que les vignes de la Grèce, transportées en Italie, n’ont plus donné le même vin ; et que les vignes de Falerne, cultivées au pied du Vésuve, ont changé de nature. L’expérience nous confirme, chaque jour, que les plants de Bourgogne, transportés dans le midi, n’y fournissent plus un vin aussi délicat et aussi agréable.

Il est donc prouvé que les qualités qui caractérisent certains vins ne peuvent pas se reproduire sur plusieurs points : il faudroit pour cela l’influence constante des mêmes causes ; et, comme il est impossible de les réunir toutes, il doit nécessairement s’en suivre des changemens et des modifications. Concluons de ce qui précède, que les climats chauds, en favorisant la formation du principe sucré, doivent produire des vins très-spiritueux ; attendu que le sucre est nécessaire à sa formation. Mais il faut que la fermentation soit conduite de manière à décomposer tout le sucre du raisin ; sans cela, on n’auroit que des vins liquoreux et très-doux, ainsi qu’on l’observe dans quelques climats du midi, et dans tous les cas où le suc sucré du raisin se trouve trop rapproché pour éprouver une décomposition complète.

Les climats plus froids ne peuvent donner naissance qu’à des vins foibles, très-aqueux, quelquefois agréablement parfumés ; le raisin dans lequel il n’existe presque pas de principe sucré, ne sauroit fournir à la formation de l’alkool qui fait toute la force des vins. Mais comme d’un autre côté, la chaleur produite par la fermentation de ces raisins, est très-modérée, le principe aromatique se conserve dans toute sa force, et contribue à rendre ces boissons très-agréables, quoique foibles.


Article II.

Du vin considéré, dans ses rapports avec le sol.

La vigne croît par tout : et, si l’on pouvoit juger de la qualité du vin par la vigueur de la végétation, ce seroit aux terrains gras, humides, et bien fumés, qu’on en confieroit la culture. Mais l’expérience nous a appris que presque jamais la bonté du vin n’est en rapport avec la force de la vigne ; l’on diroit que la nature, jalouse de répartir et d’affecter à chaque qualité de terre, un genre particulier de production, a réservé les terrains secs et légers pour la vigne, et a confié la culture des grains aux terres grasses et bien nourries.


Hic segetes, illic veninut feliciùs uvœ.

C’est par une suite de cette admirable distribution, que l’agriculture couvre de produits variés la surface de notre planète ; et