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cond, que dans l’intention de sacrifier la bonté à la quantité[1].


Art. III.

Du vin considéré par rapport à l’exposition.

Même climat, même culture, même nature de sol fournissent souvent des vins de qualités très différentes : nous voyons, chaque jour, le sommet d’une montagne dont la surface est toute recouverte de vignes, offrir, dans ses divers aspects, des variétés étonnantes dans le vin qui en est le produit. À juger des lieux par la comparaison de la nature de leurs productions, on croiroit souvent que tous les climats, toutes les espèces de terre, ont concouru à fournir des produits qui, par le fait, ne sont que le fruit naturel de terreins contigus et différemment exposés.

Cette différence dans les produits provenant de la seule exposition, se laisse appercevoir dans tous les effets qui dépendent de la végétation : les bois coupés dans la partie d’une forêt qui regarde le Nord, sont infiniment moins combustibles que ceux de même espèce élevés sur les côtés du Midi. Les plantes odorantes et savoureuses perdent leur parfum et leur saveur dès qu’elles sont nourries dans des terres grasses exposées au Nord. Pline avoit déjà observé que les bois du Midi de l’Apennin étoient de meilleure qualité que ceux des autres aspects ; et personne n’ignore ce que peut l’exposition sur les légumes et sur les fruits.

Ces phénomènes sensibles pour tous les produits de la végétation, le sont sur-tout pour les raisins : une vigne tournée vers le Midi produit des fruits très-différens de ceux que porte celle qui regarde le Nord. La surface plus ou moins inclinée du sol d’une vigne, quoique dans la même exposition, présente encore des modifications infinies. Le sommet, le milieu, le pied d’une colline donnent des produits très-différents : le sommet découvert reçoit, à chaque instant, l’impression de tous les changemens,

  1. Quoique les principes que nous venons d’établir soient prouvés par presque toutes les observations connues, il ne faut pas cependant en conclure que les résultats soient sans exception ; Creusé Latouche a observé (Mémoire lu à la Société d’Agriculture de la Seine, le 26 germinal an 8,) que les vignobles précieux d’Aï, Epernai et Hautvillers sur la Marne, ont les mêmes expositions, le même sol que les terres à blé qui les environnent. Notre observateur pense bien qu’on a tenté de convertir en vigne les terres à blé, mais il est probable que les expériences n’ont pas été heureuses, et que, par conséquent, il y a là des raisons de différence que l’inspection seule ne peut pas juger.

    Au reste, comme l’observe le même agriculteur, la terre primitive dans les vignobles de premier rang en Champagne, se trouve recouverte d’une couche artificielle qu’on forme avec un mélange de gazon et de fumier consommé, de terres communes prises aux bas des coteaux, et quelquefois d’un sable noir et pourri. Ces terreaux se portent dans les vignes toute l’année, excepté le temps des vendanges.