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posée au Midi qu’on rencontre le meilleur raisin[1].


Art. IV.

Du vin considéré par rapport aux saisons.

Il est de fait que la nature du vin varie selon le caractère que présente la saison ; et ses effets se déduisent déjà naturellement des principes que nous avons établis en parlant de l’influence de climat, du sol et de l’exposition, puis que nous avons appris à connoître ce que peuvent l’humidité, le froid et la chaleur sur la formation et les qualités du raisin. En effet, une saison froide et pluvieuse, dans un pays naturellement chaud et sec, produira sur le raisin le même effet que le climat du Nord ; cette interversion dans la température, en rapprochant ces climats, en assimile et identifie toutes les productions.

La vigne aime la chaleur, et le raisin ne parvient à son degré de perfection que dans des terres sèches et frappées d’un soleil ardent : lorsqu’une année pluvieuse entretiendra le sol dans une humidité constante et maintiendra dans l’atmosphère une température humide et froide, le raisin n’acquerra ni sucre ni parfum, et le vin qui en proviendra sera nécessairement foible, insipide, abondant.

Ces sortes de vins se conservent difficilement : la petite quantité d’alkool qu’ils contiennent ne peut pas les préserver de la décomposition ; et la forte proportion d’extractif qui y existe, y détermine des mouvemens qui tendent sans cesse à les dénaturer. Ces vins tournent au gras, quelquefois à l’aigre ; mais le peu d’alkool qu’ils renferment ne leur permet même pas de former de bons vinaigres : ils contiennent tous beaucoup d’acide malique, ainsi que nous le prouverons par la suite ; c’est cet acide qui leur donne un goût particulier, une aigreur qui n’est point acéteuse et qui fait un caractère plus dominant dans les vins, à mesure qu’ils sont moins spiritueux.

L’influence des saisons sur la vignes est tellement connue dans tous les pays de vignoble que, son long-tems avant la vendange, on prédit qu’elle sera la nature du vin. En général, lorsque la saison est froide, le vin est rude et de mauvais goût ; lorsqu’elle est pluvieuse, il est foible, peu spiritueux, abon-

  1. Les principes généraux que nous venons d’établir sur l’influence de l’exposition, reçoivent bien des exceptions : les fameux vignobles d’Epernai et de Versenai, dans la montagne de Rheims, sont exposés au plein nord, dans une latitude tellement septentrionale pour les vins, que c’est dans ces lieux même que se termine tout-à-coup le règne de la vigne sous ce méridien.

    Les vignobles de Nuits et de Beaune, ainsi que les meilleurs de Beaugenci et Blois, sont au levant ; ceux de la Loire et du Cher sont au nord et au midi indistinctement ; les bons coteaux de Saumur sont au nord, et parmi les meilleurs vins d’Angers, on en trouve à toutes les expositions. (Observations de Creuzé-Latouche, lues à la Société d’Agriculture de Paris).