Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/39

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cheval on la jument qui les gêne ; il y en a même d’assez impatiens pour oser déjà frapper, si on ne leur cède pas aussitôt.

L’étalon, pendant tous ces sauts et caracoles, montre un calme qu’on peut bien dire, dans toute la force du mot, paternel ; après qu’ils ont bien tété, ils rodent autour de lui, le caressent, le mordillent, lui arrachent des brins de foin quand il mange. Il semble se ressouvenir de son enfance, et témoigner que ces caresses le flattent ; les poulains se couchent indistinctement sous lui, comme dessous leur mère ; comme elle, il respecte leur repos, il résiste au besoin de se coucher, si les poulains occupent sa place ; les mouches même ne lui occasionnent jamais de mouvement brusque et dangereux.

Même patience, même tendresse dans les champs, les poulains courent, sautent autour de lui ; il partage instantanément l’inquiétude des mères, quand ceux-ci en jouant, s’éloignent et disparoissent : étourdis ou espiègles, ils hennissent avec un accent d’effroi ; l’étalon et les mères aussitôt se relèvent, rappellent : et si les poulains tardent à paroître, ils partent pour les rechercher. Pendant la nuit, les poulains ne quittent plus la mère ni le cheval, et ces derniers ne se couchent jamais avant que le jour paroisse.

Les soins à prendre, pour mettre au verd les chevaux et jumens qu’on ne fait pas travailler, ne sont ni longs ni difficiles ; il faut les préparer, en leur donnant du verd mélangé avec du foin, et augmenter la ration d’avoine pendant quelques jours ; si on les met au verd dans l’herbage même, il faut les y accoutumer peu à peu, les rentrer à l’écurie, chaque soir, en retardant tous les jours un peu, jusqu’à ce qu’ils soient bien accoutumés à la fraîcheur des nuits.

Il importe encore, s’ils ont resté constamment à l’écurie, de leur faire faire plusieurs milles avant de les lâcher dans le pâturage : les jumens pleines pourroient s’emporter, courir et avorter.

Les jumens des haras champêtres, qu’on fait travailler, exigent plus de soins dans les premiers temps du verd. On doit s’interdire de les faire travailler au moins pendant cinq à six jours ; le pâturage le plus sain est celui qu’il faut leur donner ; il faut bien observer en elles les effets du verd, soit qu’elles aient pouliné, soit qu’elles soient encore pleines. Le changement de régime cause toujours quelque désordre dans les organes, qui influe sur la santé de la mère et la qualité du lait ; c’est pour elles qu’il faut choisir le meilleur fourage, ne pas épurger le grain, éviter les travaux pénibles et les courses trop longues.

Si elles poulinent quand elles sont au verd, il faut les faire rentrer à l’écurie, puisqu’elles en ont l’habitude, leur donner du grain ; si en revenant du labour ou de la voiture, elles avoient trop chaud, si leur pis étoit engorgé par une trop grande abondance de lait, il faut bien se garder alors de les livrer aux poulains, qui en tétant un lait échauffé, ne tarderoient pas à être échauffés eux-mêmes, à