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liqueur la plus spiritueuse : c’est au reste ce qui est encore confirmé par l’expérience. Mais on ne sauroit trop insister sur la nécessité de bien distinguer le sucre proprement dit, d’avec le principe doux. Sans doute le sucre existe dans le raisin ; et c’est surtout à lui qu’est dû l’alkool qui résulte de sa décomposition par la fermentation ; mais ce sucre est constamment mêlé avec un corps doux plus ou moins abondant, et très-propre à la fermentation ; c’est un vrai levain qui accompagne le sucre presque par-tout ; mais qui par lui-même ne sauroit produire de l’alkool. De là vient que lorsqu’on veut faire fermenter le sucre pour obtenir du taffia, on l’emploie à l’état de sirop dit de vezou, parce que alors il contient le principe doux qui en facilite la fermentation.

La distinction entre le principe doux et sucré et le sucre proprement dit a été très-bien établie par Dey eux, dans le journal des pharmaciens.

Ce principe doux est presque inséparable du principe sucré dans les produits de la végétation : et ces deux principes sont si bien combinés dans quelques cas, qu’on ne peut les désunir complètement qu’avec peine : c’est ce qui s’opposera, peut être encore long temps, à ce qu’on extraie pour le commerce le sucre de plusieurs végétaux, qui en contiennent. La canne à sucre paroît être celui de tous les végétaux où cette séparation, est le plus facile. Bien des faits nous portent à croire que ce principe doux est voisin par sa nature du principe sucré ; qu’il peut même, avec des circonstances favorables, se changer en sucre ; mais ce n’est pas ici le moment de discuter ce point intéressant de doctrine

Un raisin peut donc être très-doux, très-agréable à la bouche, et produire néanmoins un assez mauvais vin, parce que le sucre peut bien n’exister qu’en très-petite quantité dans un raisin en apparence très sucré : c’est la raison pour laquelle les raisins les plus doux au goût ne fournissent pas toujours les vins les plus spiritueux. Au reste, il suffit d’un peu d’habitude pour distinguer la saveur vraiment sucrée d’avec le goût doux que présentent quelques raisins. C’est ainsi que la bouche habituée à savourer le raisin très-sucré du midi, ne confondra pas avec lui le chasselas, quoique très-doux, de Fontainebleau.

Nous devons donc considérer le sucre comme le principe qui donne lieu à la formation de l’alkool par sa décomposition, et le corps doux et sucré, comme le vrai levain de la fermentation spiritueuse. Il faut donc, pour que le moût soit propre à subir une bonne fermentation, qu’il contienne ces deux principes dans de bonnes proportions : le sucre seul ne fermente point, ou du moins la fermentation en est très-lente et incomplète. Le mucilage pur ne fournit point d’alkool : ce n’est qu’à la réunion de ces deux subs-