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tés, il en diffère néanmoins essentiellement.

Il n’est personne qui, d’après ce court exposé, ne puisse se rendre raison de tous les procédés usités pour obtenir des vins plus eu moins colorés, et qui ne sente déjà qu’il est au pouvoir de l’agriculteur de porter dans ses vins la teinte de couleur qu’il désire.


Art. III.

Préceptes généraux sur l’art de gouverner la fermentation.

La fermentation n’a besoin ni de secours ni de remèdes, lorsque le raisin a obtenu son degré de maturité convenable, que l’atmosphère n’est pas trop froide, et que la masse de la vendange est du volume requis. Mais ces conditions, sans lesquelles on ne sauroit obtenir de bons résultats, ne se réunissent pas toujours ; et c’est à l’art qu’il appartient de rapprocher toutes les circonstances favorables, et d’éloigner tout ce qui peut nuire pour obtenir une bonne fermentation.

Les vices de la fermentation se déduisent naturellement de la nature du raisin qui en est le sujet, et de la température de l’air qui eut être considéré comme un bien puissant auxiliaire.

Le raisin peut ne pas contenir assez de sucre pour donner lieu à une formation suffisante d’alkool : et ce vice peut provenir ou de ce que le raisin n’est pas parvenu à maturité, ou de ce que le sucre y est délayé dans une quantité trop considérable d’eau, ou bien encore de ce que, par la nature même du climat, le sucre ne peut pas suffisamment s’y développer. Dans tous ces cas, il est deux moyens de corriger le vice qui existe dans la nature même du raisin : le premier consiste à porter dans le moût le principe qui lui manque : une addition convenable de sucre présente à la fermentation les matériaux nécessaires à la formation de l’alkool ; et on supplée par l’art au défaut de la nature. Il paroît que les anciens connoissoient ce procédé, puisqu’ils mêloient du miel au moût qu’ils faisoient fermenter. Mais, de nos jours, on a fait des expériences très-directes à ce sujet, et je me bornerai à transcrire ici les résultats de celles qui ont été faites par Macquer.

« Au mois d’octobre 1776, je me suis procuré assez de raisins blancs, pineau et mélier, d’un jardin de Paris, pour faire vingt-cinq à trente pintes de vin. C’étoit du raisin de rebut ; je l’avois choisi exprès dans un si mauvais état de maturité, qu’on ne pouvoit espérer d’en faire un vin potable ; il y en avoit près de la moitié dont une partie des grains et des grappes entières étoient si verts qu’on n’en pouvoit supporter l’aigreur. Sans autre précaution que celle de faire séparer tout ce qu’il y avoit de pourri ; j’ai fait écraser le reste avec les rafles, et exprimer le jus à la main ; le moût qui en est sorti étoit très-trouble, d’une couleur verte, sale, d’une saveur aigre douce, où l’acide dominoit tellement qu’il faisoit faire la grimace