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gent variera ses procédés selon l’effet qu’il se proposera d’obtenir. On ne doit jamais perdre de vue que la fermentation doit être gouvernée d’après la nature du raisin, et conformément à la qualité de vin qu’on désire obtenir. Le raisin de Bourgogne ne peut pas être traité comme celui de Languedoc ; le mérite de l’un est dans un bouquet qui se dissiperoit par une fermentation vive et prolongée ; le mérite de l’autre est dans la grande quantité d’alkool qu’on peut y développer ; et ici, la fermentation dans la cuve doit être longue et complète. En Champagne, on cueille le raisin destiné pour le vin blanc mousseux dès le matin, avant que le soleil en ait évaporé toute l’humidité ; et, dans le même pays, on ne coupe le raisin destiné à la fabrication du vin rouge, que lorsque le soleil l’a fortement frappé et bien séché. Ici, il faut de la chaleur artificielle pour provoquer la fermentation ; là, la nature du moût est telle, que la fermentation demanderoit à être modérée. Les vins foibles doivent fermenter dans les tonneaux ; les vins forts doivent travailler dans la cuve. Chaque pays a donc des procédés qui lui sont prescrits par la nature même de ses raisins ; et il est extraordinairement ridicule de vouloir tout soumettre à la même règle. Il importe de connoître bien la nature de son raisin et les principes de la fermentation : à l’aide de ces connoissances, on se fera un système de conduite qui ne peut qu’être très-avantageux, parce qu’il est fondé, non sur des hypothèses, mais sur la nature même des choses.

Dans les pays froids où le raisin est peu sucré et très aqueux, il fermente difficilement ; on provoque la fermentation par deux ou trois moyens principaux ; 1o . À l’aide d’un entonnoir en fer-blanc, qui descend par un bec très-large à quatre pouces du fond de la cuve, on introduit du moût bouillant dans la cuve. On peut en verser deux seaux sur trois cents bouteilles de moût. Ce procédé, proposé par Maupin, a produit de bons effets.

2o . On remue et agite la vendange de temps en temps : ce mouvement a l’avantage de rétablir la fermentation, quand elle a cessé ou qu’elle s’est ralentie, et de la rendre égale sur tous les points.

3o . On recouvre la vendange avec des couvertures, de même que la cuve.

4o . On échauffe l’atmosphère du lieu dans lequel la cuve a été placée.

Il arrive souvent que le mouvement de la vendange se ralentit, ou que la chaleur est inégale dans les divers points : c’est pour obvier à ces inconvéniens, sur-tout dans les pays froids où ils sont plus fréquens, qu’on foule la vendange de temps en temps. D. Gentil a fait deux cuvées de dix-huit pièces chacune avec des raisins provenant de la même vigne, et cueillis en même temps ; le grain fut égrappé et écrasé ; égalité de suc de part et d’autre ; la vendange mise dans des cuves égales ; les jours, mais sur-tout les nuits et les matinées, étoient très-froides.