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mates, tels que les poudres de géroffle, de cannelle, de gingembre, d’iris de Florence, de fleurs de thym, de lavande, de marjolaine, etc. et fondent ce mélange dans une terrine sur un feu modéré. C’est dans ce mélange fondu qu’on plonge des bandes de toile et de coton, pour les brûler dans le tonneau. D’autres n’emploient que le souffre qu’ils fondent au feu et dont ils imprègnent des lanières semblables.

La manière de souffrer les tonneaux nous offre les mêmes variétés : on se borne quelquefois à suspendre une mèche souffrée au bout d’un fil de fer ; on l’enflamme et on la plonge dans le tonneau qu’on veut remplir, on bouche et on laisse brûler : l’air intérieur se dilate et est chassé avec sifflement par le gaz sulfureux ; on en brûle deux, trois, plus ou moins, selon l’idée ou le besoin. Lorsque la combustion est terminée, les parois du tonneau sont à peine acides ; alors on y verse le vin. Dans d’autres pays on prend un bon tonneau, on y verse deux à trois seaux de vin, on y brûle une mèche souffrée, on bouche le tonneau après la combustion, et l’on agite en tout sens. On laisse reposer une ou deux heures, on débouche, on ajoute du vin ou mute et on réitère l’opération jusqu’à ce que le tonneau soit plein ; ce procédé est usité à Bordeaux.

On fait à Marseillan, près la commune de Cette en Languedoc, avec du raisin blanc, un vin qu’on appelle muet et qui sert à souffrer les autres.

On presse et foule la vendange, et on la coule de suite sans lui donner le temps de fermenter ; on la met dans des tonneaux qu’on remplit au quart ; on brûle plusieurs mèches dessus, on ferme le bouchon, et on agite fortement le tonneau jusqu’à ce qu’il ne s’échappe plus de gaz par le bondon lorsqu’on l’ouvre. On met alors une nouvelle quantité de vin, on y brûle dessus et on agite avec les mêmes précautions ; on réitère cette manœuvre jusqu’à ce que le tonneau soit plein. Ce vin ne fermente jamais, et c’est par cette raison qu’on l’appelle vin muet. Il a une saveur douceâtre, une forte odeur de souffre, et il est employé à être mêlé avec l’autre vin blanc : on en met deux ou trois bouteilles par tonneau : ce mélange équivaut au souffrage.

Le souffrage rend d’abord le vin trouble et sa couleur vilaine ; mais la couleur se rétablit en peu de temps et le vin s’éclaircit. Cette opération décolore un peu le vin rouge. Le soufflage a le très précieux avantage de prévenir la dégénération acéteuse. Quoique l’explication de cet effet soit difficile, il me paroît qu’on ne peut le concevoir qu’en le considérant sous deux points de vue.

1°. À l’aide du gaz sulfureux on déplace l’air atmosphérique, qui sans cela se mêleroit avec le vin, et en détermineroit la fermentation acide.

2°. On produit quelques atomes d’un acide violent qui suffoque, maîtrise et s’oppose au développement d’un acide plus foible.