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Les anciens composoient un mastic avec la poix, un cinquantième de cire, un peu de sel et de l’encens qu’ils brûloient dans les tonneaux. Cette opération étoit désignée par les mots picare dolia. Et les vins ainsi préparés étoient connus sous les noms de vina picata. Plutarque et Hypocrate parlent de ces vins.

C’est peut-être d’après cet usage que les anciens avoient consacré le sapin à Bacchus : on donne encore aujourd’hui au vin rouge affaibli un parfum agréable, en le faisant séjourner sur une couche de copeaux de bois de sapin. Baccius prétend qu’il faut résiner les tonneaux, picare rasa au moment de la canicule.


Clarification des Vins.

2°. Outre l’opération du souffrage des vins, il en est une tout aussi essentielle qu’on appelle clarification. Elle consiste d’abord à tirer le vin de dessus la lie, ce qui demande des précautions, dont nous nous occuperons dans le moment, et à le dégager ensuite de tous les principes suspendus ou foiblement dissous, pour ne lui conserver que les seuls principes spiritueux et incorruptibles. Ces opérations s’exécutent même avant le souffrage qui n’en est qu’une suite.

La première de ces opérations s’appelle soutirer, transvaser, déféquer le vin. Aristote conseille de répéter souvent cette manipulation, quoniam superreniente œstatis calore soient fœces subverti, ac ità vina acescere.

Dans les divers pays de vignobles on a des temps marqués dans l’année pour soutirer les vins ; ces usages sont sans doute établis sur l’observation constante et respectable des siècles. À l’Hermitage on soutire en mars et septembre (fructidor et ventôse) ; en Champagne le 13 octobre (24 vendémiaire), vers le 15 février (27 pluviôse), et vers la fin de mars (10 germinal).

On choisit toujours un temps sec et froid pour exécuter cette opération. Il est de fait que ce n’est qu’alors que le vin est bien disposé. Les temps humides, les vents du sud les rendent troubles, et il faut se garder de soutirer quand ils régnent.

Baccius nous a laissé d’excellens préceptes sur les temps les plus favorables pour transvaser les vins. Il conseille de soutirer les vins foibles, c’est à dire ceux qui proviennent de terrains gras et couverts au solstice d’hiver ; les vins médiocres, au printemps ; et les plus généreux, pendant l’été. Il donne comme précepte général de ne jamais transvaser que lorsque le vent du nord souffle ; il ajoute que le vin soutiré en pleine lune se convertit en vinaigre.

La manière de soutirer les vins ne pourra paroître indifférente qu’à ceux qui ne savent pas quel est l’effet de l’air atmosphérique sur ce liquide : en ouvrant la cannelle, ou plaçant un robinet à quatre doigts du fond du tonneau, le vin qui s’écoule s’aère, et détermine des mouvemens dans la lie, de sorte que, sous ce double rapport, le