Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’on la découvre, et non seulement on peut la saisir sans redouter un poison dont elle n’est jamais infectée, mais même sans éprouver d’autres résistance que quelques efforts qu’elle fait pour s’échapper. Bien plus, on en a vu devenir assez dociles pour subir une sorte de domesticité. Ce n’est que parce que sa douceur et son défaut de venin ne sont pas aussi bien reconnus qu’ils devroient l’être pour la tranquillité de ceux qui habitent la campagne, que des charlatans se servent encore de ce serpent pour amuser et pour tromper le peuple, qui leur croit le pouvoir particulier de se faire obéir, au moindre geste, par un animal qu’il ne peut quelquefois regarder qu’en tremblant. Ce n’est pas toutefois qu’il n’y ait de certains momens, et même certaines saisons de l’année où la couleuvre, sans être dangereuse, ne montre ce désir de se défendre ou de sauver ce qui lui est cher, si naturel à tous les animaux ; car on a vu quelquefois ce serpent, surpris par l’aspect subit de quelqu’un, au moment où il s’avançoit pour traverser une route, ou que, pressé par la faim, il se jettoit sur une proie, se redresser avec fierté et faire entendre son sifflement de colère. Dans ce moment même on n’auroit rien eu à craindre d’un animal sans venin, dont tout le pouvoir n’auroit pu venir que de l’imagination frappée de celui qu’il auroit attaqué, puisque ses dents mêmes ne sont réellement dangereuses que pour de petits lézards et d’autres foibles animaux qui lui servent de nourriture. Cette impuissance de nuire dans la couleuvre est tellement constatée, que Valmont de Bomare rapporte dans son dictionnaire d’Histoire Naturelle, en avoir vu une si tendrement affectionnée à la maîtresse qui la nourrissoit, qu’elle se jetta à l’eau pour suivre un bateau qui portoit celle-ci ; mais la marée étant remontée dans le fleuve, et les vagues contrariant les efforts du serpent, il succomba bientôt sous leur masse.


Description de la vipère.

La vipère commune est aussi petite, aussi foible, aussi innocente en apparence, que son venin est dangereux. Sa longueur totale est ordinairement de six à sept décimètres. Sa couleur est d’un gris cendré, et le long de son dos, depuis la tête jusqu’à l’extrémité de la queue, s’étend une sorte de chaîne composée de taches noirâtres, de forme irrégulière, et qui, en se réunissant en plusieurs endroits les unes aux autres, représentent une bande dentelée et sinuée en zigzag. On voit aussi de chaque côté du corps une rangée de petites taches noirâtres, dont chacune correspond à l’angle rentrant de la bande en zigzag. Toutes les écailles de dessus du corps sont relevées au milieu par une petite arête, excepté la dernière rangée de chaque côté, où les écailles sont unies et un peu plus grandes que les autres. Le dessous du corps est garni de grandes plaques couleur d’acier, et d’une teinte plus ou moins foncée, ainsi