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ils s’habitueront insensiblement à nous voir, et ne craindront point nos approches. Celui qui en prendra soin les accoutumera à venir prendre leur nourriture auprès de lui, même dans ses mains.

Si un animal s’obstine à fuir la présence de l’homme, on le rendra docile en l’affamant, et en le privant du sommeil plusieurs jours de suite. Avec de tels soins et de la patience, il y a peu d’animaux qu’on ne parvienne à maîtriser.

6°. Il est rare de voir produire les animaux que l’on transporte dans un pays dont la température diffère considérablement de celle à laquelle ils sont habitués dès leur enfance. Aussi les animaux que nous enfermons dans nos ménageries y mènent-ils une vie languissante, et y périssent sans laisser de postérité. Ces faits ne prouvent cependant pas qu’il soit impossible de les faire produire dans nos pays tempérés de l’Europe, puisque de semblables animaux s’y sont accouplés, et ont donné des petits qui ont vécu plusieurs années.

J’ai vu au cabinet d’histoire naturelle de Hesse Cassel, un dromadaire et un léopard empaillés qui étoient nés aux environs de cette ville, où le froid est plus long et plus rigoureux qu’à Paris. Je le répète, ce n’est qu’avec de l’adresse et de l’intelligence qu’on obtiendra des animaux le fruit de leurs amours.

Le climat cependant influe sur les animaux comme sur les plantes. Certaines espèces ne peuvent soutenir un passage subit d’une température à une autre. C’est pourquoi, lorsqu’on a apprivoisé dans son pays natal un animal sauvage, si l’on présume que le climat de France lui soit contraire, pour éviter cette transition subite, on le fera passer dans un lieu intermédiaire ; et l’on enverra de ce dernier endroit sa première génération, ou l’une des suivantes. On doit employer la même précaution pour les animaux qui vivent en domesticité.

7°. Il existe des animaux dociles, et auxquels notre climat n’est pas contraire, mais qui refusent cependant de s’accoupler avec leur espèce. Chaque espèce a ses habitudes et son instinct, ainsi que l’homme a ses habitudes et ses idées. On ne doit pas s’étonner s’ils ne se livrent pas aux doux transports de l’amour, lorsqu’on les fait passer brusquement de la liberté à l’esclavage ; lorsqu’au lieu des champs où ils erroient à volonté, on les retient dans une sombre et étroite prison ; lorsqu’on les entoure de bâtimens et d’autres objets qui leur rappellent sans cesse leur captivité ; lorsque enfin ils sont habituellement intimidés par la présence de l’homme et par celle d’autres animaux.

Il faut, pour réussir, les rapprocher de la nature ; leur donner par l’illusion ce qu’on leur a enlevé en réalité.

Les animaux sauvages sont dominés par la timidité, de même que l’homme est retenu par la pudeur. Ils ont besoin de se croire libres, isolés, et heureux, pour se