Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/540

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On en fabrique des mouchoirs, des gants, des bas, des chapeaux, des tapis, etc. Elle est ordinairement de couleur fauve, il y en a de noire et de mélangée. La vigogne donne du lait ; sa chair a de la saveur ; et sa peau préparée s’emploie à divers usages. On connoit les draps faits avec sa laine. Ils surpassent en beauté et en prix les autres espèces de draperies[1]. J’ai appris lorsque j’étois à Aranjuez, maison du roi, à 12 lieues de Madrid, que les vigognes qu’on y avoit transportées y avoient vécu plusieurs années, et que même elles avoient engendré. Mais comme ou les conservoit pour la seule curiosité, on les a négligées, et elles ont péri.

On a nourri une vigogne pendant 14 mois à Charenton, aux environs de Paris ; elle venoit d’Angleterre où elle avoit vécu un certain tems ; ainsi il est très-probable que cette espèce d’animal se naturaliseroit facilement en France.

Les hautes montagnes telles que les Alpes, les Pyrénées, les Cévènes, les Vosges, celles de Corse, etc. doivent être choisies de préférence pour cette naturalisation. Nous invitons fortement les citoyens qui ont des propriétés sur ces montagnes à faire des tentatives dont le succès est presque certain.

« Ces animaux (dit Buffon) » seroient une excellente acquisition pour l’Europe, et produiroient plus de biens réels que tout le métal du nouveau monde »

Il seroit aussi utile, et plus facile de les introduire à Saint-Domingue, et dans quelques autres îles de la république. Celui qui le premier naturalisera les vigognes en France aura bien mérité de la patrie ; et la postérité reconnoissante le placera au-dessus de ces conquérans dont les victoires entraînent avec elles tant de maux et procurent de si foibles avantages.

Si le gouvernement s’intéresse à la prospérité publique, pourquoi ne consacreroit-il pas une somme pour récompenser celui qui naturaliseroit en France les vigognes ? « Cet objet, dit Raynal, est digne de l’attention des hommes d’état, que la philosophie doit éclairer dans toutes leurs démarches ».

IX. Le Lama, camelus dorso lœvi, topho picturali, L. habite les hautes régions des Cordillières les anciens Péruviens l’avoient amené à l’état de domesticité, et s’en servoient pour porter les fardeaux. Les Espagnols l’emploient aux mêmes usages. Ils lui font faire des routes de deux cents lieues, et le chargent de cent à cent-cinquante livres. Cet animal docile est facile à nourrir ; il marche avec sûreté dans des chemins impraticables pour toute autre espèce de bête de somme. Il pourroit remplacer l’âne dans plusieurs

  1. Des draps faits à Louviers, avec des laines de Vigogne choisies, ont été vendus jusqu’à 300 francs l’aune.