Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/581

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Les eaux contenues dans ces grands réservoirs que l’éternel leur a destinés, les mers, les lacs, les étangs, les fleuves, se réduisent en vapeurs par l’ardeur du soleil et l’action des vents. Si ces vapeurs demeurent suspendues dans les régions plus voisines de la terre, elles donnent naissance aux météores aqueux, aux rosées, aux brouillards, aux pluies douces ; si ces météores trouvent des forêts, des bois, de grands végétaux, attirés par l’humidité même de la terre[1], et soutirés du sein de l’atmosphère, ils s’attachent à la surface des feuilles, d’où ils retombent en gouttes pour abreuver le sol, et alimenter les sources d’où naissent successivement les ruisseaux, les étangs, les rivières et les fleuves. C’est une restitution que les arbres font aux mers, en échange des vapeurs élevées de leur sein ; c’est ainsi que l’air est purifié par cet océan de vapeurs, et que la terre est fertilisée par cette multiplicité de canaux formés à sa surface.

Mais, si rien n’arrête ces météores, leur tendance à se condenser les fait se porter vers les régions plus élevées et plus froides, où ils forment des nuages, qui, charriés par les vents à de grandes distances, vont enfanter les orages ; et tandis que la contrée toute entière est privée du bienfait des météores aqueux, de pluies réglées et fécondantes, un seul point de sa surface est désolé par la foudre, la grêle et les inondations.

L’habitant des vallées couronnées de forêts, redoute peu la grêle et les orages. Sa cabane est à l’abri de la foudre. Les arbres font circuler par leurs racines profondes et par leurs cimes élevées, la matière électrique de la terre à l’atmosphère et de l’atmosphère à la terre ; en sorte qu’en même-tems qu’ils attirent à eux les nuages, ils sont de puissans conducteurs de la matière du tonnerre.

Bagnères, Plombières, cernés de forêts, avoient des saisons de pluies régulières ; on les a abattues, et l’on n’y connoît plus que torrens, lavanges. Combien donc est coupable celui qui sacrifie à des spéculations d’intérêt, la prospérité de toute une contrée ; qui la frappe à jamais de stérilité, pour une coupe de bois !

L’homme qui peut diriger la foudre, peut aussi diriger les pluies. Qu’il plante des arbres[2] : leur cime est à l’eau vaporisée, ce qu’est la pointe de métal à la matière du tonnerre. Toutes deux restituent à la terre ; l’une, les eaux, l’autre, le fluide électrique.

Si on ne remédie pas à la dévas-

  1. Plus la terre est humide et plus il tombe de rosée dessus pendant la nuit ; et il tombe plus du double de rosée sur une surface d’eau que sur une égale surface de terre humide. Stat. rég de Haller.
  2. Mais ce n’est pas seulement le chêne et l’orme ; pour arrêter l’effrayante progression de ce tarissement, il importe de planter le laricio de Corse, pin qui s’élève à plus de 200 pieds ; le mélèze, qui donne la térébenthine, et dont le bois fait cependant des charpentes ininflammables. C’est des syphons qu’il uouc faut pour soutirer les nuages.