Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/582

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tation des forêts, à la dégradation partielle des bois, cette France, si orgueilleuse de sa fécondité et de sa population, deviendra stérile et dépeuplée. Cet anathème étonne ; mais la Phénicie et cent autres provinces de l’Asie et de l’Afrique, que l’histoire nous dit avoir été les greniers de l’Europe barbare et inculte, alors fertiles et peuplées, ne sont-elles pas aujourd’hui d’affreux déserts ? et les cent lieues d’un sol brûlant et aride que parcourt à présent le voyageur, sans y trouver une goutte d’eau, étoient il y a mille ans, arrosées de ruisseaux et de rivières qui entretenoient la fécondité. Choiseuil-Gouffier a inutilement cherché dans la Troade le fleuve Scamandre. Le lit en étoit dès long-temps desséché ; mais aussi dès long-temps les forêts du mont Ida, où il prenoit naissance, étoient abattues.

Les météores aqueux, les vents, la végétation : tels sont les moyens que la nature emploie pour salubrifier l’air. À Saint-Malo, l’homme parcourt la révolution d’un siècle, parce que cette ville est environnée aux marées d’une grande masse d’eau vaporisée qui y entretient une atmosphère pure ; tandis que c’est au sein des déserts que la peste s’engendre, qu’elle conserve son germe ; et les seuls climats où elle ne se propage pas, sont ceux où ces trois agens, les météores aqueux, les vents et la végétation, commandent la salubrité.

A-t-on à redouter ces épidémies, dont les eaux stagnantes deviennent autant de foyers ? qu’on plante des arbres ? l’air infect, qui s’élève de ces sols marécageux, bientôt absorbé par la végétation, se métamorphose et se répand en air vital dans l’atmosphère.

Il y a des maux sans remèdes, et de ce nombre est le déboisement d’une montagne : lorsque son sommet étoit garni d’arbres, elle protégeoit coteaux, vallée et la contrée à une grande distance. Ses ossemens, le rocher étoit recouvert d’un lit de terre végétale, dont la chute successive des feuilles épaississoit la couche. Les eaux pluviales entraînoient la surabondance de cette terre qui fertilisait les coteaux.

Hùc summis liquuntur rupibus amnes
Felicem qui traiunt limum.

Virg. Géorg.

En dépouillant une montagne des arbres qui en couvroient le sommet, vous ôtez à ses coteaux leur abri, vous les privez de cet engrais fécondant qu’aucun autre ne peut remplacer ; car vous n’avez rien à substituer à cette terre qui est le débris des végétaux, des reptiles et des insectes, qui est façonnée par les météores, et toute disposée à rentrer dans l’organisation végétale par sa ténuité et sa solubilité. C’est en vain que le penchant des collines redemande ses sources et la plaine ses ruisseaux ; vous les avez condamnées à la stérilité. Nous replanterons, direz-vous : non, vous ne savez pas même conserver, vous ne savez que détruire. D’ailleurs, à quoi s’attacheroit cette semence que vous y déposeriez ? Comment asseoir ce jeune plant que vous y transporteriez ? Où seroit son abri