Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/584

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privé de canaux et l’agriculture d’engrais, le cultivateur ne pouvant plus élever de troupeaux s’il manque de prairies ; car c’est ainsi que la nature a lié tous les anneaux de sa chaîne.

S’il est impossible de remédier au mal, au moins peut-on en arrêter les progrès. Législateurs, vous êtes les représentans du peuple, mais le physicien est le représentant de la nature, et c’est à ce titre qu’il provoque l’organisation forestière. Il est tems de s’en occuper : que le propriétaire de tant d’hectares soit tenu d’avoir tant d’arbres fruitiers ou forestiers ; qu’on plante les grandes routes, il n’y a pas un buisson sur celle de la Beauce ; aussi n’y a-t-il pas de pays plus dépourvu d’eau ; qu’on replante les routes qu’on a abattues ; la belle avenue de Versailles l’est depuis six ans, on l’oublie ; celle de Franciade se dégarnit annuellement et ne se répare pas. Mais pourquoi citer puisque toutes les routes de la république sont dans un état de délaissement ?

Nous venons d’abattre ces arbres qui bordoient nos voieries ; qui, placés autour des cimetières, servoient à en purifier l’air ; qui ombrageoient les porches de nos temples, et où l’enfance se déroboit à l’ardeur du soleil : qu’un décret vengeur de l’anarchie destructive ordonne à l’instant cette replantation[1]. L’Américain plante un arbre à la naissance de ses enfans : nous abattons une forêt pour doter les nôtres.

Mais ce ne sont pas seulement les forêts qu’on laisse dégrader ; les arbres fruitiers, dont l’intérêt sollicite plus particulièrement la culture, sont abattus, et ne sont pas replantés, faute d’une bonne organisation sur la garde rurale. Quel est en effet le propriétaire qui puisse hasarder un verger hors de l’étroite enceinte de sa propriété ?

Une prompte organisation forestière peut donc seule assurer à la France le bois dont elle manque, et remédier au tarissement de ses eaux. La prospérité de l’agriculture, celle de l’industrie et du commerce tiennent à cette

  1. Il faut des fêtes au peuple, et c’est avec raison qu’on veut en substituer, mais pour que ces fêtes puissent l’intéresser, qu’on célèbre la récolte des foins, celle des grains, la jeunesse dansera autour des meules et des tas de gerbes ; déjà la vendange, est consacrée à la joie ; que les semailles du printems, celles de l’automne, la replantation des arbres, la réparation des chemins vicinaux, l’échenillage, l’échardonnage soient également des jours de fêtes ; qu’on en institue sur-tout une pour la préparation des grains. Le Chinois ne confie pas à la terre une semence, qu’il n’ait favorisé le développement de son germe par une immersion dans un engrais liquide ; et en France la carie enlève annuellement le dixième des récoltes en froment, parce qu’on ne chaule pas ou qu’on chaule mal. Voilà des fêtes que le peuple des campagnes célébrera ; il négligeait la célébration de ses mystères, mais il quittait ses travaux pour suivre les processions des rogations, des quatre-tems, qui avaient pour objet la prospérité de ses récoltes. Ce n’est que quand il aura recouvré sa morale, qu’il célébrera la fête de la Vieillesse, à laquelle il insulte aujourd’hui.