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On cultive encore pour les donner en verd les diverses espèces de vesces, de gesses et de pois, l’ers, le lupin, la lentille ; le moment le plus favorable pour leur emploi, est celui où la semence commence à se former, c’est le moment où la plante est le plus riche en sucs bien élaborés et nourrissans.

Les plantes légumiaires sont employées au même usage avec beaucoup de profit ; parmi elles, les diverses espèces de choux méritent peut-être la préférence, celle surtout connue sous le nom de chou cavalier que dans quelques lieux on nomme chou-arbre ; il n’est pas d’espèce aussi productive ; les feuilles qu’on enlève sont bientôt remplacées par d’autres qu’on récolte peu de tems après, et ces récoltes successives sont très-nombreuses, il résiste mieux aux gelées qu’aucune autre espèce comme dans nos climats ; il est étonnant que la culture d’une espèce aussi estimable se trouve en quelque sorte resserrée dans le cercle étroit de quelques uns de nos départemens. Les carottes, les navets, les betteraves, les panais, les diverses espèces de courges ; les topinambours et sur-tout les pommes de terre peuvent remplir toutes ou presque toutes les indications qu’on se propose en donnant le verd.

Toutes les espèces d’animaux refusent d’abord les pommes de terre crues ; mais lorsqu’on les a accoutumés à cette nourriture, ce qui est très-facile en la leur donnant mêlée avec un peu de son, d’avoine ou tout autre aliment de leur goût, il n’en est aucun auquel ils ne préfèrent bientôt les pommes de terre.

Cette observation donne lieu à deux remarques importantes ; la première est relative au peu de fonds qu’on peut faire sur le prétendu instinct des animaux, pour connoître quelles sont les substances qui leur conviennent ; comme l’homme, les animaux sont très-habitudinaires : l’aliment auquel ils sont accoutumés est souvent celui qu’ils préfèrent à tous les autres ; ils refusent tous les pommes de terre, et tout le monde sait avec quelle avidité ils les dévorent ; combien elle les nourrit et les engraisse, lorsqu’une fois ils y sont accoutumés : j’ai vu des chevaux refuser de goûter à de la luzerne verte. Les chevaux et les bœufs accoutumés à boire de l’eau fangeuse, restent plusieurs jours sans boire avant de goûter de l’eau pure et limpide, tandis que ceux accoutumés à cette dernière, refusent tout aussi long-tems l’eau bourbeuse ; ces faits et mille autres qu’il serait facile d’y ajouter, me paraissent devoir sapper par leur base les observations de Linné sur les végétaux mangés par les diverses espèces d’animaux ou tout au moins annuller tous les résultats qu’on voudroit en tirer relativement à l’économie rurale.

La seconde remarque c’est que les animaux accoutumés à manger les pommes de terre et les autres racines crues, les mangent avec autant d’avidité que si on les leur donnoit cuites ; dans le premier état les nourrissent elles aussi bien ? je sais qu’on ne le croit pas : mais sur