Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vité, une vigilance, qu’on ne trouve que rarement dans les salariés ; les animaux eux-même exigent des soins qu’on ne pourroit leur refuser sans d’assez graves inconvéniens.

CHAPITRE VII.

Des soins qu’exigent les animaux mis au verd.

Il est des pratiques si bizarres, si ridicules, si contraires aux premiers principes du sens commun, qu’on ne pourroit concevoir comment elles ont pu s’établir, si l’on ne savoit pas que, pour une classe très-nombreuse de l’espèce humaine, les choses les plus incroyables sont précisément celles qui ont le plus de droit à sa croyance ; mais que les meilleurs esprits se laissent eux-mêmes entraîner par ces opinions qui choquent toutes les notions, c’est ce qui est véritablement étonnant.

Qui croirait qu’on regardé comme un principe incontestable, non seulement que les animaux mis au verd n’exigent aucuns soins de la main, mais que ces soins, quand on les leur donne, contrarient et retardent les effets du verd ? que cette opinion ait eu lieu relativement aux chevaux qu’on abandonne dans les herbages, on le conçoit ; la propreté est une qualité commune à tous les animaux en liberté : et le cochon qu’on cite quelquefois en preuve du contraire, bien loin d’être une exception à cette règle, ne fait que la confirmer ; car cet animal ne se vautre dans la fange qu’au défaut d’eau claire, que lui rendent si nécessaire et sa constitution et le régime échauffant auquel il est soumis. Le cheval abandonné dans un herbacé ne se couche jamais que sur un lit de verdure ; aucun corps étranger ne s’attache à sa robe ; s’il s’y en attachoit, les pluies, l’herbe fraîche sur laquelle il se roulé, les auroient bientôt enlevés ; comme il n’est soumis à aucun exercice violent, il n’a jamais qu’une transpiration insensible dont la matière s’évapore à mesure qu’elle s’échappe des pores de la peau ; mais en est-il donc ainsi du cheval qu’on laisse nuit et jour à l’écurie, qui est forcé de se coucher sur ses excrémens, dans lequel l’humeur respirable est retenue et fixée en quelque sorte sur la peau par la couche de matière étrangère dont elle est enduite ? Comment peut-on s’imaginer que cette humeur puisse être arrêtée dans ses couloirs sans les plus grands inconvéniens, lorsque la nature tend sans cesse à l’expulser, et lorsque sa retenue donne lieu à des maladies si fréquentes et si graves ? Quelques personnes vont bien plus loin encore, elles prétendent que la litière sur laquelle on tient les chevaux ne doit point être renouvelée : en sorte que ces animaux croupissent dans l’ordure pendant tout le tems qu’ils sont au verd : j’en ai vu quelque uns qui portoient de chaque côté du corps une couche d’excrémens de plus d’un demi pouce d’épaisseur.

Pour faire sentir l’absurdité d’une pareille pratique, il suffit de la soumettre à la réflexion des hommes