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que la plupart des végétaux de cette famille, sont employées, mais particulièrement les jeunes pousses, comme émollientes, propres à détendre et amollir les parties durcies par des inflammations locales. On s’en sert, en médecine, dans les rétentions d’urine, et pour faciliter l’écoulement de cette sécrétion.

Usages économiques. Les Chinois tirent de l’abutilon ordinaire une filasse dont ils font des cordes qui coûtent moins cher que celles faites avec les fibres du chanvre qu’ils cultivent aussi pour cet usage, en même temps que plusieurs autres plantes, parmi lesquelles le corchorus cultivé (corchorus olitorius L.) tient un rang distingué.

M. l’abbé Cavanilles, botaniste espagnol distingué, a fait à Paris des expériences sur la force comparée des fibres de l’abutilon avec celles du chanvre ordinaire. Voici ce qu’il dit dans son Mémoire, lu à l’Académie des Sciences de Paris, le premier février 1786, et imprimé dans le Journal de Physique, du mois de mai suivant.

« J’ai fait une grosse ficelle d’abutilon, d’une ligne de diamètre, et une petite corde dont le diamètre étoit double ; les ayant chargées de poids qui se trouvoient à trois ou quatre pieds de distance du point de suspension, la plus mince ne put soutenir, sans casser, que quarante-une livres, et la seconde cent quarante livres ; ayant fait ensuite les mêmes expériences sur des cordes de chanvre d’égal diamètre, la plus mince cassa en soutenant cent quatre livre, et la plus forte quatre cent trente-huit livres ; en sorte que, par cette première expérience, la force entre l’abutilon et le chanvre étoit comme deux à cinq par rapport aux plus minces, et comme un à trois par rapport aux autres.

» J’ai voulu essayer, continue M. Cavanilles, si mon abutilon gagneroit ou perdroit de sa force, en le faisant séjourner dans l’eau ; en conséquence, j’ai mis dans l’eau, pendant vingt-quatre heures, les quatre cordes d’abutilon et de chanvre, et j’ai obtenu les résultats suivans, pour les plus minces : abutilon, quarante-huit livres ; chanvre, quatre-vingt-seize livres ; pour les plus fortes : abutilon, cent quatre-vingt-cinq livres ; chanvre, trois cent soixante-seize livres. Ainsi, la force de l’abutilon s’est augmentée dans l’eau, et celle du chanvre a diminué au point que celle-ci n’étoit que double, du triple qu’elle étoit à sec. »

M. Cavanilles attribue l’infériorité de la force des cordes de son abutilon, à deux causes principales : la première, à ce que les plantes dont il a tiré la filasse qui les composoient, n’étoient pas parvenues au point de maturité convenable ; et la seconde, à ce qu’il a laissé rouir pendant trop long-temps les tiges de ces plantes, ce qui les a privées du gluten qui contribue à leur donner de la souplesse et de la force. Ainsi, on ne doit, comme l’auteur l’annonce lui-même, regarder ses expériences que comme des tentatives qui mettent sur la voie, pour en faire d’autres dont les résultats seront sans doute plus satisfaisans.

Culture. M. Cavanilles pense qu’il y auroit de l’avantage à cultiver l’abutilon, ainsi que plusieurs autres malvacées qui lui ressemblent, dans des terrains fertiles, et à la manière des autres plantes textiles ; mais en même temps il propose de les abandonner à la nature, après les avoir semées sur des lieux incultes, tels que les berges des fossés, les bords des ruisseaux, et les marais abandonnés par excès d’humidité.

Dans le premier cas, la culture en grand de l’abutilon seroit à peu près la même que celle qu’on donne au chanvre, et il est très-probable qu’elle