Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/139

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car sans l’obéissance à son guide, son travail est beaucoup moins avantageux, et quelquefois même ses mouvemens sont nuisibles.

On accoutume les jeunes chevaux à se laisser approcher, en leur donnant un peu de pain, une poignée d’avoine ; on les manie, on les caresse, et l’on se garde sur-tout de les surprendre, de les effaroucher. Quelque temps après, on leur lève les pieds à une hauteur modérée, pour ne pas les faire souffrir ; on frappe quelques légers coups à l’endroit qui servira d’appui au fer, puis on leur passe à la tête la têtière d’un licol ; on les attache un instant avec d’autres chevaux accoutumés ; on les conduit de même en leur compagnie, et attachés comme eux ; enfin, on les accoutume à porter les harnois dont ils doivent être revêtus, en leur fixant une sangle ou surfaix, une couverture sur le dos, un collier léger. On les attèle entre deux chevaux accoutumés au trait ; on les habitue au bouchon, à la brosse, et à l’étrille ; on leur pare les pieds, on leur met des fers minces et étroits qui n’ont que quatre à six clous, selon la grandeur du pied. Ils obéissent enfin à la voix du conducteur et aux ordres du cavalier. C’est ainsi que, par une suite de bons traitemens, ils exécutent la volonté de l’homme ; ils s’attachent leurs maîtres, et méritent, en retour, de l’attachement et une espèce d’affection.

L’intelligence de beaucoup de chevaux bien élevés les met dans le cas d’entrer pleinement dans les vues de ceux qui les guident, et de deviner en quelque sorte leurs intentions ; ils savent redoubler leurs efforts dans une course rapide, et même s’enflammer d’un noble courage dans les combats et les dangers.

La solidité du service, dans les animaux, exigeant de leur part une constante dispositions se prêter aux volontés de l’homme, rien n’est plus fâcheux en eux que leurs caprices et sur-tout leur méchanceté. Les attentions que nous avons indiquées préviendront ces défauts ; mais il faut encore se garder de jouer jamais avec les poulains, les taureaux, les béliers, parce qu’on les excite à des espiègleries, dont ils finissent par abuser. La cause la plus fréquente des vices des bêtes de selle, de somme et de trait, c’est qu’on les abandonne ordinairement à la conduite de palefreniers, de charretiers brutaux, qui les punissent de leurs propres torts, les maltraitent de toutes sortes de manières, les rendent craintifs, étouffent en eux l’énergie et la franchise, et les avilissent au point qu’il ne leur reste de caractère que dans les instans où ils le manifestent par des fureurs.

Plus les animaux sont vifs et irritables, plus on doit user envers eux de ménagemens ; toute contrainte trop marquée les met dans le cas de réagir d’une manière dangereuse ; leurs articulations tendres se trouvent forcées, et leur caractère prend occasion de s’affranchir de la dépendance qui contrarie leurs moyens naturels.

Il est des chevaux adultes tellement vicieux et intraitables, qu’on ne peut s’en servir que très-peu, ou en courant de grands risques. On doit prendre des moyens de prudence capables de les dompter, et ces moyens sont souvent bien difficiles. On voit des personnes les faire tourner jusqu’à ce qu’ils tombent étourdis ; d’autres les saignent jusqu’à défaillance ; d’autres les fatiguent par des courses, ou les accablent de coups. Le moyen le plus sur et le moins barbare est de les amener à la docilité par la faim, en employant à les dompter toujours la même personne, qui leur fait voir, à chaque essai, l’aliment désiré, et ne le leur abandonnera qu’après qu’ils auront permis ou exécuté ce qu’on exige d’eux. Leur résistance doit déterminer