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taté, depuis quelque temps, de manière à ne plus laisser aucun doute sur son existence. Voici en peu de mots l’histoire de cette découverte.

Des chimistes anglais, MM. Howard et Bournont, ayant rassemblé quelques unes de ces pierres que l’on disoit être tombées à différentes époques dans différens lieux, furent surpris de trouver entr’elles une ressemblance parfaite. Ce sont des masses pyriteuses où l’on voit briller des grains métalliques. La surface extérieure est noire, comme si elle avoit été brûlée par le feu ; l’intérieur est d’un blanc jaunâtre, la forme inégale.

Celle ressemblance étoit fort singulière ; elle s’accordoit avec l’identité d’origine qu’on leur supposoit ; la recherche de la pesanteur spécifique vint fournir un nouvel indice. En voici un tableau pour les aérolites connus aujourd’hui.

Pesanteur spécifique des principaux aérolithes, l’eau étant 1,000.

Pierre tombée à Ensisheim, en Alsace, le 3,522
Pierre tombée à Barbotan, le 24 juillet 1790 3,854
Pierre tombée à Salles, le 3,701
Pierre tombée à Wold-College, le 13 novembre 1790 3,521
Pierre tombée à Benarés, dans les Indes-Orientales, le 19 décembre 1798 3,437

À quoi j’ajoute les deux suivantes :

Pierre tombée à l’Aigle, le 6 floréal an 11 3,549
Pierre tombée à Aix, en Provence, le 29 novembre 1637 3,504

Ce dernier aérolithe a été cité par Gassendi. La description qu’il en donne est tout à fait conforme à celle des pierres que nous avons. Il n’en donne pas la pesanteur spécifique, mais il rapporte une expérience d’après laquelle on peut la calculer. C’est ce que j’ai fait. (Voy. Gassendi, in. diog. lib. X).

L’analyse chimique de ces pierres n’est pas moins singulière ; elle ne concourt pas moins à leur donner une même origine.

Toutes ces pierres sont composées de silice, de magnésie, de soufre, de fer à l’état métallique, et de nickel. Ces substances s’y trouvent toujours à fort peu près dans les mêmes proportions.

Observez que le fer ne se rencontre jamais ou presque jamais à l’état métallique, dans les corps terrestres. Les matières volcaniques n’en contiennent point qui ne soit oxidé. Le nickel est aussi très-rare, et on ne le trouve jamais sur la surface de la terre. Toutes ces circonstances s’accordent avec les témoignages qui donnent à ces pierres une origine étrangère à notre planète, ou du moins aux pierres que nous y voyons ordinairement.

D’après ces rapprochemens, la chute des aérolithes devenoit extrêmement probable. Le météore observé à l’Aigle, le 6 floréal an 11, acheva de la mettre hors de doute.

L’auteur de cet article a été envoyé sur les lieux, pour constater ce fait. Il a parlé à une foule de témoins oculaires, a reconnu encore les traces récentes du météore, et l’ensemble de ces témoignages multipliés lui a donné la description suivante de ce phénomène.

Le mardi 0 floréal an 11, vers une heure après midi, le temps étant serein, on apperçut de Caen, de Pont-Audemer, et des environs d’Alençon, de Falaise et de Verneuil, un globe enflammé d’un éclat très-brillant, et qui se mouvoit dans l’atmosphère avec beaucoup de rapidité.

Quelques instans après, on entendit à l’Aigle et autour de cette ville, dans un arrondissement de plus de trente lieues,