Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/177

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but constant des travaux des agronomes. Mais ce n’est point par des abstractions et des systèmes qu’il est possible de la perfectionner, c’est par des moyens simples, puisés dans la nature, et secondés par l’intérêt du cultivateur.

C’est lui seul qu’il faut considérer, lorsqu’on propose des améliorations agricoles. Seroient-elles appuyées sur la théorie la plus séduisante ? il ne les adoptera pas si, en définitif, leur produit ne l’indemnise pas suffisamment de ses avances et de son temps.

En effet, le but que tout cultivateur se propose dans la culture des terres de son domaine est d’en retirer la rente la plus forte ; et il ne peut y parvenir qu’en les mettant en état de produire, le plus souvent possible, les denrées les plus recherchées dans sa localité, et dont la vente lui est la plus avantageuse.

Ces denrées ne sont pas de même espèce dans chaque localité, parce que chacune ne jouit pas de la même température, n’a pas les mêmes qualités de terre, ni les mêmes besoins. Ici, c’est la culture des céréales ; là, c’est celle des plantes huileuses et odorantes ; ailleurs, c’est le jardinage ; ailleurs encore, c’est la culture des prairies naturelles et artificielles qui produit au cultivateur cette rente la plus forte ; et ces différentes cultures sont réglées par des principes différens.

La culture des terres ne peut donc pas être la même chez les différens peuples ; elle doit souvent varier d’une Province à l’autre, et même quelquefois d’un canton à l’autre de la même province, suivant l’intérêt que les cultivateurs y ont à adopter telle ou telle culture ; en sorte que chaque localité a dû admettre la culture qui convenoit le mieux à la nature de ses terres, à la température de son climat, aux mœurs et aux besoins de ses habitans, aux avantages des débouchés, ou à la difficulté des communications, et qui, en définitif, devoit rendre au propriétaire la rente la plus forte.

Nous disons que cela a dû être ainsi ; car, quelque ignorance qu’on puisse supposer aux cultivateurs des derniers siècles, ces cultivateurs pouvoient bien ne pas entrevoir les améliorations dont leur culture locale étoit susceptible ; mais ils avoient alors, comme aujourd’hui, un tact sûr qui leur a fait adopter la culture la plus avantageuse.

D’après cette manière naturelle d’envisager l’agriculture, comment croire à la possibilité de l’existence d’un système unique de culture, cette pierre philosophale des agronomes de cabinet, et vouloir faire adopter à la France entière un système d’assolement qui a réussi dans quelques cantons de l’Angleterre ?

L’avantage qui a le plus frappé les agronomes français, dans la culture anglaise perfectionnée, c’est qu’elle n’admet pas de jachères ; mais leur suppression, qui existait déjà en France, dans quelques unes de ses cultures, avant que les Anglais en eussent eu l’idée, peut-elle être adoptée par les autres sans aucun inconvénient ? Tous les livres d’agriculture contiennent les avantages prétendus de cette suppression, et aucuns ne parlent de ses inconvéniens.

Cependant, si nous consultons à ce sujet les fermiers des pays de grande culture, c’est-à-dire ceux qui, par leur aisance, leur activité et leur intelligence, cultivent avec le plus de succès, ils nous diront que les avantages de cette suppression dans leur culture peuvent être victorieusement contestés.

En effet, 1°. on connoît en agriculture ce que c’est qu’une terre effritée, épuisée ; on sait aussi qu’en alternant les récoltes sur une même terre, on l’effrite beaucoup moins que lorsqu’on la force à rapporter chaque année la même espèce de grains ; mais, suivant sa qualité,