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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/179

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ment les méthodes d’un pays que vous ne connoissez pas.

Si tous les agronomes anglais et français avoient eu cette sage circonspection ; s’ils avoient pris une connoissance exacte de la culture de chaque localité ; s’ils en avoient étudié les motifs ; s’ils s’étoient contentés d’en découvrir les imperfections, et d’indiquer les moyens de les corriger, jamais ils n’auroient publié de systèmes exclusifs de culture, et l’agriculture des deux nations rivales auroit fait encore de plus grands pas vers son perfectionnement.

En examinant ensuite la perfection des instrumens aratoires chez les deux peuples, nous trouverons d’abord que, si les Anglais possèdent la charrue de Norfolck, qu’ils regardent comme la plus parfaite, nous avons les charrues de France et de Brie qui jouissent chez nous de la même réputation pour les terrains analogues à ceux de ces deux provinces.

Nous observerons à ce sujet que les charrues ne peuvent pas être les mêmes pour toutes les localités, et qu’il ne doit pas plus exister de charrue unique, que de système unique de culture.

En effet, il y a des terres fortes et profondes qui exigent des charrues très solides, pour pouvoir être convenablement labourées, tandis qu’une simple araire suffit pour des terres douces et légères. Il en existe de compactes et marécageuses pour lesquelles il faut employer une charrue particulière ; (la charrue hollandaise) enfin ces terres sont en plaine haute ou basse, ou en pentes rapides ou légères. La manière de les cultiver, et les instrumens avec lesquels on doit les labourer dans ces différens cas, ne peuvent donc pas être les mêmes.

L’agriculture française présente d’ailleurs une grande quantité d’instrumens aratoires, plus ou moins susceptibles de perfectionnement, et qui sont nécessaires à chaque localité en plus ou moins grand nombre, suivant la nature et la variété des travaux dont elle s’occupe.

L’agriculture anglaise, quoique beaucoup plus circonscrite que la nôtre, offre aussi une grande variété d’instrumens aratoires. On cite leur perfectionnement, et nous croyons que cette opinion est fondée. Cependant il ne faut pas toujours s’en rapporter à des éloges souvent exagérés. : par exemple, on a vanté leur machine à battre le blé, (voy. le 10e. vol. du Dictionnaire de Rozier) elle paroît fort simple et très-ingénieuse mais le Bureau d’Agriculture de Londres, dans le Recueil des Constructions rurales anglaises, convient qu’en Angleterre même on s’est bientôt dégoûte de son usage.

Ne pourroit-il pas en être de même de toutes ces machines, et de ces procédés si vantés légèrement par les voyageurs, dont la réputation se perd aussitôt qu’on veut en faire usage ?

Il faut convenir cependant que les machines et les instrumens des Anglais doivent être plus soignés et plus parfaits que les nôtres. Cette prééminence qu’ils ont sur nous, dans beaucoup d’arts mécaniques, tient à la foiblesse de leur population, dont une grande partie est occupée par le commerce maritime, et consommée par leurs nombreuses colonies. Le nombre des bras qui se consacrent à l’agriculture, aux manufactures et aux arts, n’est plus assez considérable pour leurs besoins, et alors les Anglais sont singulièrement intéressés à pouvoir exécuter avec des machines une grande partie des choses que notre grande population nous permet de faire faire par des hommes. Cette observation nous amène naturellement à cette question importante d’économie publique : Quelle seroit, sur la prospérité publique et particulière, l’influence de l’intro-