Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/181

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tains voyageurs, et même le Recueil des Constructions rurales anglaises, dont nous venons de parler, on apprend que l’agriculture anglaise s’est effectivement perfectionnée depuis environ un demi-siècle, mais seulement dans quelques comtés, et aux dépens des riches Anglais désœuvrés qui passent ordinairement de six à neuf mois de l’année dans leurs terres, et que, dans tous les autres, l’agriculture y est aussi négligée que dans certaines localités de la France.

Il nous semble que, pour établir une comparaison équitable entre les procédés de culture de deux nations différentes, il faudroit au moins, si les circonstances locales ne peuvent pas être parfaitement égales, choisir ces procédés dans les cantons respectifs, où la culture a la réputation locale d’être la plus parfaite ; autrement le jugement à intervenir ne peut être qu’injuste, et montre évidemment ou une prévention systématique, ou un défaut de connoissance dans la pratique de l’agriculture. C’est probablement ce qui est arrivé aux déprédateurs de l’agriculture française, lorsqu’ils ont assigné la préexcellence à l’agriculture anglaise ; ils n’ont été que les échos des Anglais, dont l’orgueil ne veut point reconnoître de supériorité étrangère en aucuns genres, ou ils ont appuyé leur opinion sur la comparaison qu’ils ont faite de l’agriculture des meilleurs cantons de l’Angleterre, avec celle des plus mauvais cantons de la France.

M. Pictet, dans son excellent Traité des Assolemens, est le premier qui ait essayé de venger l’agriculture française du mépris injurieux dont les Anglais et les anglomanes, ne cessent de la couvrir. Si cet auteur estimable avoit eu des renseignerions exacts sur la culture de l’Isle-de-France, de la Picardie, du Soissonnais, de la Brie, de la Beauce, de la Normandie, et de quelques provinces méridionales de la France, il ne se seroit pas contenté de citer celle de la Flandre ; il auroit fait les tableaux des assolemens de ces différentes provinces et des produits de leurs récoltes ; et, en indiquant les différences qui existent dans ces assolemens, il auroit démontré qu’elles ne sont point l’effet d’une routine aveugle, ni d’une ignorance crasse, mais qu’elles ont été, dans chaque localité, le résultat d’une étude constante et d’une expérience éclairée par l’intérêt du cultivateur.

L’agriculture pratique française présente le tableau le plus étendu et le plus varié que l’on puisse trouver chez aucun autre peuple du globe.

En parcourant cet empire que la nature semble avoir formé pour tous les genres de prospérités, on y trouve la culture de toutes les céréales ; celle de toutes les plantes potagères ; celle de toutes les plantes huileuses et colorantes ; celle des prairies naturelles et artificielles ; celle de la vigne, des pommiers à cidre, des noyers, des châtaigniers, des oliviers, des arbres à fruits, et des arbres utiles et d’agrément.

Chacune de ces cultures s’est plus ou moins perfectionnée, suivant la localité où elle se trouve admise, ou plutôt suivant l’intérêt que les cultivateurs ont trouvé à l’amélioration de chacune d’elles dans chaque localité.

C’est l’intérêt particulier qui est le seul stimulant de toute amélioration agricole ou commerciale ; car, si celui qui fait une spéculation quelconque n’en retire pas un bénéfice proportionné à ses avances, et à l’emploi de son temps, il l’abandonne bientôt ; ou bien il est en perte, et alors il n’est pas imité.

Pour mettre de l’ordre dans ce tableau de l’agriculture pratique française, nous le divisons en trois parties : en pays de grande culture, en pays de moyenne culture, et en pays de petite culture.

Première Division. — Pays de grande culture. Dans cette première division,