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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/190

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cantons d’une culture si parfaite, les terres ne produisent pas à ce propriétaire une rente définitive aussi forte que celle des cantons où la culture n’est pas aussi perfectionnée ; car la culture la meilleure n’est pas toujours celle qui produit les récoltes les plus abondantes. En effet, si, pour récolter douze pour un sur une terre de qualité donnée, on est obligé d’avancer en frais de culture, semence et amendement, la valeur de six, ce procédé de culture sera moins avantageux au propriétaire-cultivateur, que si, par un autre procédé, il n’avoit récolté que dix sur la même terre avec une avance de la valeur de quatre.

Les jachères sont proscrites dans les assolemens de cette culture perfectionnée, non pas parce que cette suppression est le dernier degré de perfection où l’on puisse porter l’agriculture, mais parce qu’en Angleterre son objet principal, celui qui rapporte au cultivateur les plus grands bénéfices, est l’éducation et l’engraissement des bestiaux, et que cette culture particulière favorise singulièrement la suppression des jachères, lorsque les autres circonstances locales le permettent. Ce n’est pas cependant que les grains ne soient toujours plus chers en Angleterre qu’en France, et que la culture des céréales ne procure aussi à ses fermiers des avantages positifs ; mais, comme leur commerce maritime place cette nation, pour ainsi dire, au milieu des marchés de grains de l’Europe, et que, par ses mœurs, et l’étendue de son commerce maritime, elle consomme une immense quantité de viande, l’éducation et l’engraissement des bestiaux doivent être définitivement, comme nous l’avons avancé, l’objet principal et le plus lucratif de son agriculture.

Dans cette position de l’Angleterre, d’ailleurs favorisée par un sol léger et amélioré par des engrais maritimes, abondans et économiques, et par une température ni trop sèche, ni trop humide, ni trop chaude, ni trop froide, qui convient si bien à la culture des prairies naturelles et artificielles, les riches propriétaires-cultivateurs des comtés méridionaux sont parvenus à y établir une culture excellente et parfaitement adaptée à la nature du sol, à la température du climat et aux besoins de ces localités.

Cependant, si cette culture mérite les éloges que nous venons de lui donner, d’après des autorités respectables, comment se fait-il qu’elle ne soit point généralement adoptée par les cultivateurs des autres comtés ? Ils ont cependant devant les yeux l’exemple et le précepte. En parcourant les comtés les mieux cultivés, les cultivateurs doivent être frappés d’admiration à la vue des riches récoltes, et de la quantité et de la beauté des bestiaux qu’ils présentent. Cette vue, si attrayante pour eux par les grands profits qu’elle offre à leur imagination, devroit exciter leur émulation, et les déterminer à imiter la culture perfectionnée de ces comtés ; et cependant ils persistent dans leurs anciens procédés de culture, qui ont beaucoup d’analogie avec ceux de notre moyenne culture, dans les localités où la culture des céréales est unie à l’éducation et l’engraissement des bestiaux. Seroit-ce parce que cette culture perfectionnée exige de trop grands capitaux d’avances, ou plutôt, qu’en définitif cette culture n’est pas aussi avantageuse au fermier et au propriétaire que les cultures locales anciennement adoptées ? Malgré les assurances contraires données par les parties intéressées à faire valoir les grands avantages de cette culture perfectionnée, nous penchons beaucoup pour cette dernière cause de la répugnance que les simples cultivateurs ont à l’adopter.

Cette opinion n’est point chez nous l’effet d’un préjugé, nous n’adoptons point de systèmes en agriculture ; elle est le fruit de la réflexion.

La culture anglaise a été perfection-